jeudi 9 juin 2011

Abou Nawas: le poète maudit

ABOU NUWAS


ABOU NUWAS (757 – 815)


Le poète qui préfère les hommes

Poète de tous les temps, Abou Nawas, "l'homme aux cheveux bouclés ou pendants", né en 757 à Ahwaz d'un père arabe et d'une mère persane, et mort à Bagdad en 815.
Il est considéré jusqu'à nos jours comme les plus talentueux des poètes arabes et ne concurrence dans l'estime qu' El Moutanabi. L'historien Al Massoudi mentionnait que "Son talent est si grand, qu'il aurait pour ainsi dire fermé les portes de la poésie bachique". Ibn Khaldoun le considérait comme "un des principaux poètes arabes". Le polygraphe Al Jahiz a écrit à son propos "je n'ai jamais vu personne qui connu mieux le lexique arabe et s'exprimât avec plus de pureté et de douceur, en évitant tout propos désagréable".

Abou Nawas dès son jeune âge a été confronté à l'amour au masculin. Sa grâce et sa beauté physique lui font découvrir l'amour des hommes mûrs. Son cousin le poète Abou-Oussama, un bel homme blond au teint clair fût attiré par cette beauté et n'hésitait pas à le prendre sous son aile pour lui faire découvrir ce monde où rimes et caresses se côtoient. Plus tard il deviendra à son tour amateur passionné des Pages et des éphèbes.
Adolescent, il acquière une vaste connaissance approfondie de la littérature et de la poésie arabe. Attiré par les lumières de la ville, il s'installe à Bagdad qui était en plein de son apogée, "la ville la plus grande du monde". Son arrivée coïncide ( !!!…) avec le début du règne du grand calife Hâroun Ar Rachid. Grâce à sa réputation et son audace il est devenu courtisan et poète de la cour. A vrai dire les califes s'entouraient de poètes et de savants.

Amoureux d 'Al Amin, fils de Haroun Ar Rachid et son successeur, un bel homme de pure souche arabe, il partage avec lui le goût des Ghelman ("Garçons"), du vin et de la chasse. Il a connu beaucoup de "relation passagères" avec les éphèbes (esclaves généralement chrétiens d'origine perse, se dit aussi pour un beau jeune homme).
Il disait : "L'homme est un continent, la femme est la mer. Moi j'aime mieux la terre ferme"

On lui dénombre une relation amoureuse avec une femme, ce qui lui vaut plutôt le qualificatif de bisexuel, mais plusieurs critiques de nos jours considèrent cet amour platonique comme simplement une manifestation œdipiennes.
Ses détracteurs et ses rivaux étaient nombreux, on lui reprochait ses tendances homosexuelles et son vocabulaire "parfois" trop cru. Mais il a su se protéger grâce à son talent sous l'aile protectrice des souverains. On ne sait pas comment il a fini vraiment sa vie, les versions sont si nombreuses, en prison ou dans une maison de la "Sagesse" personne ne le saura exactement.



Je vous ai choisi quelques poèmes de Abou Nawas:



1. Mieux que fille vaut un garçon

J'ai quitté les filles pour les garçons
et, pour le vin vieux, j'ai laissé l'eau claire.

Loin du droit chemin j'ai pris sans façon
celui du péché, car je préfère.

J'ai coupé les rênes et sans remords.
J'ai enlevé la bride avec les mors

Me voilà tombé amoureux d'un faon
coquet, qui massacre la langue arabe.

Brillant comme clair de lune son front
chasse les ténèbres de la nuit noire.

Il n'aime porter chemise en coton
ni manteau en de poil du nomade arabe.

Il s'habille court sur ses fines hanches
mais ses vêtements ont de langues manches.

Ses pieds sont chaussés et sous son manteau,
le riche brocart offre sa devine.

Il part en compagne et monte à l'assaut
décoche ses flèches et ses javelines

Il cache l'ardeur de la guerre et son
attitude au feu n'est que magnanime

Je suis ignorant en comparaison
d'un jeune garçon ou d'une gamine

Pourtant comment confondre une chienne qui eut
ses règles chaque moi et mit bas chaque année,

avec celui que je vois à la dérobée:
Je voudrais tant qu'il vînt me rendre mon salut!

Je lui laisse voir toutes mes pensées,
sans peur du mouzzin et l'imam non plus.



2. L'amour imberbe



Je regarde hamdâne et dis à mon ami
"Cela fait bien longtemps qu'il me l'avait promis

de ne laisser pousser sa barbe
qu'à condition de laisser glabre

son entrecuisse. Souviens-toi de sa splendeur,
du temps heureux de sa jeunesse en fleur.

quand sa beauté lui gagnait tous les cœurs.
Mais après tout, que sais-tu d'avouable.



3. L'amour en fleur



Je meurs d'amour pour lui, en tous points accompli
et qui se perd en attendant de la musique

Mes yeux ne quittent pas son aimable physique
sans que je me merveille à le voir si joli.

Sa taille est un roseau, sa face est une lune
et sa joue en feu ruisselle la beauté

Je meurs d'amours pour toi, mais garde mon secret:
le lien qui nous unit est une corde sûre.

Que de temps il fallut, pour te créer, aux anges!
tant pis pour les envieux: je chante ta louange



4. Me tuera-t-il?



Ses larmes coulent sur les roses de ses joues
parce que je l'ai embrassé à l'improviste.
Mais quand je lui tendis un verre, déjà ivre,
il défit sa ceinture en faisant un mou.
Malheur à moi, quand il sortira du sommeil
de l'ivresse! Me tuera-t-il à son réveil?
Pour, des yeux, me punir de sa mésaventure?
N'ai-je pas dérangé le nœud de sa ceinture?



5. Au bain maure



Ce que les pantalons ont caché se révèle.
Tout est visible. Rince toi l’œil à loisir.

Tu vois une croupe, un dos mince et svelte
et rien ne pourrait gâcher ton plaisir.

On se chuchote des formules pieuses...
Dieu, que le bain est une chose délicieuse!

Même qu'en venant avec leurs serviettes,
les garçons du bain ont troublé la fête.



6. Pour si peu



Je lui demande quelque chose
"Oh non, j'ai honte" m'a-t-il dit,
"Va voir un autre et propose
ce que nos pères ont interdit"

Je lui dis: "Je ne veux rien d'autre."
"C'est mal, dit-il, c'est une faute."
Et il voile sa jeune peur
D'un pan d'étoffe des ses pleurs.



7. M'aimes tu



Quand j'ai vu ce beau jeune homme
il riait à belles dents

Nous étions tous deux, en somme,
seuls avec Dieu, cependant,

Il mit sa main dans la mienne
et me fit tout un discours.

Puis me dit:" Est-ce que tu m'aimes?"
"Oui, au-delà de l'amour"

"Donc, dit-il , tu me désires?"
"Tout est désirable en toi"

"Crains Dieu alors, oublie-moi!"
"Si mon cœur veut m'obéir."

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