samedi 13 novembre 2010

La Controverse de Sion - par DOUGLAS REED (chap. 14)

Chapitre 14

LE GOUVERNEMENT MOBILE 
 
Les sages pharisiens qui quittèrent Jérusalem avant sa destruction en 70 ap. J.-C. et s’installèrent à Yavné, avaient l’intention, comme les Lévites à Babylone auparavant, de mettre en place un centre de pouvoir et de contrôle à distance, duquel ils pourraient maintenir sous leur joug une organisation tribale, à cette époque-là disséminée sur la terre. Ils emportèrent avec eux à Yavné l’expérience accumulée à Jérusalem et à Babylone et les secrets conservés des siècles, et réussirent à établir un gouvernement mobile qui continua à exercer son autorité sur les juifs jusqu’à aujourd’hui.
Avant les dernières batailles contre Rome (raconte le Dr Kastein), « un groupe d’enseignants, d’érudits et d’éducateurs se rendit à Yavné, prenant le sort de leur peuple sur leurs épaules afin d’en être responsables au cours des siècles… À Yavné, le corps central pour l’administration du peuple juif fut établi… En règle générale, quand on fixe totalement le parcours d’une nation comme ce fut le cas avec les juifs en cette occasion, elle périt complètement. Mais le peuple juif n’a pas péri… Ils avaient déjà appris comment modifier leur attitude durant la captivité babylonienne… Et ils suivaient la même trajectoire dorénavant ».
À Yavné, l’Ancien Sanhédrin, source de toute l’autorité législative, administrative et judiciaire, fut établi sous un nouveau nom. En sus, une académie fut créée pour développer la Loi plus avant. Les scribes y continuèrent la révélation de l’esprit de Jéhovah et l’interprétation de la Loi, si souvent annoncée comme ayant reçu sa forme finale. En fait, comme le dogme est que la Loi gouverne chaque acte de la vie humaine dans des circonstances qui changent constamment, elle ne peut -et ne pourra -jamais être définitivement codifiée, et doit être développée à l’infini.
En dehors de ce motif permanent de révision, le nouveau facteur ¬le christianisme -avait surgi, et on devait définir l’application de la Loi concernant le christianisme. Donc, la Torah (la Loi) commença à recevoir son énorme supplément, le Talmud, qui était d’autorité égale, voire supérieure.
La Loi était appliquée depuis Yavné ; elle « éleva une barrière insurmontable contre le monde extérieur », imposa une discipline « mortellement rigide » et « garda les prosélytes à distance ». Le but était de « rendre la vie du juif totalement différente de celle des gentils ». Toute loi qui recevait une majorité de votes de la part du Sanhédrin devenait exécutoire auprès de toutes les communautés judaïstes partout dispersées ; « les opposants étaient menacés de bannissement, ce qui signifiait être exclus de la communauté ».
De cette façon, « le centre du cercle fut finalement fixé, et le cercle lui-même très bien décrit sous la forme de la Loi et du treillage installé autour du peuple ». Durant cette période (avant que le christianisme ne devienne la religion de Rome), un décret secret quitta le « centre » de Yavné, autorisant les juifs à feindre le reniement de leur foi et à déclarer leur conversion aux « religions païennes » si les circonstances l’indiquaient.
La période du gouvernement de Yavné dura environ un siècle, puis il fut transféré à Usha en Galilée, où le Sanhédrin fut à nouveau établi. « Le judaïsme fixa les limites autour de lui-même et devint encore plus exclusif » ; à cette période, la malédiction particulière sur les chrétiens juifs fut prononcée. En 320 ap. J.-C., l’empereur romain Constantin se convertit au christianisme, et promulgua les lois qui interdisaient les mariages entre chrétiens et juifs et qui interdisaient aux juifs d’avoir des esclaves chrétiens. C’était la réponse naturelle à la Loi de l’exclusion et de l’asservissement de « l’étranger » appliquée par le gouvernement talmudique à Usha, mais elle fut considérée comme de la « persécution », et pour échapper à son atteinte, « le centre » fut déplacé à Babylone, où la colonie judéenne -qui huit siècles plus tôt avait préféré y rester plutôt que « retourner » à Jérusalem -« était toujours intacte ». On installa le gouvernement talmudique à Sura, et des académies furent fondées à Pumbédita.
Le Talmud, commencé à Yavné puis Usha, fut achevé à Sura et à Pumbédita. « Un anneau de dimension immense et d’élasticité colossale » fut construit partout autour des juifs ; le cercle mystique de la peur et de la superstition fut resserré. Depuis Sura, un exilarque (prince de la captivité de la maison de David) gouvernait, mais avec le temps, il ne devint qu’un homme de paille. Par la suite, « le président de l’académie » (de fait, le Grand prêtre et Premier ministre) « posa les règles et les règlements, pas seulement pour les juifs babyloniens, mais aussi pour la totalité du judaïsme… Les juifs de par le monde reconnaissaient les académies de Babylone comme étant le centre officiel du judaïsme, et considéraient toute loi passée là-bas comme obligatoire ».
Ainsi, la nation-dans-les-nations, l’État-dans-les-États, fut-il enchaîné et dirigé par le gouvernement talmudique de Babylone.
Le cœur du dogme demeurait tel qu’Ézéchiel, Esdras et Néhémie lui avaient donné forme et l’avaient imposé ; mais le Talmud, dans les faits, avait pris la place de la Torah, tout comme la Torah plus tôt avait supplanté les « traditions orales ». Les chefs des académies de Sura et Pumbédita étaient appelés les Gaonim, et ils commencèrent à exercer un pouvoir autocratique sur les juifs dispersés. Les mystérieux exilarques (plus tard nassim, ou princes) étaient dépendants de leur approbation, et le Sanhédrin leur abandonna ses fonctions -ou bien en fut dépossédé. Quand un doute, où que ce fût dans le monde, s’élevait parmi les juifs, à propos des interprétations ou de l’application de la Loi dans n’importe quelle affaire quotidienne, la question était soumise au Gaonate. Les verdicts et les jugements rendus (au nom de Jéhovah) depuis le gouvernement distant étaient les Réponses gaoniques, ou lois promulguées depuis Babylone, auxquelles, partout, les juifs se soumettaient, sans quoi ils encouraient le danger d’être excommuniés.
De cette façon, la servitude talmudique se répandit parmi les juifs dispersés, où qu’ils vivent, « comme un filet étroitement tissé… au-dessus des jours ordinaires et des jours fériés, au-dessus de leurs actions et de leurs prières, au-dessus de leurs vies entières et de chaque pas qu’ils faisaient… Rien dans leur vie extérieure ne fut plus autorisé à être le simple amusement d’une décision arbitraire ou du hasard ». C’est l’image d’un despotisme absolu, uniquement différent des autres despotismes par le facteur de la distance entre les despotes et leurs sujets. Dotée d’une mission bienveillante, une communauté de gens si étroitement contrôlée pourrait faire fructifier énormément la vie des peuples ; dotée d’une mission destructrice, sa présence au sein des autres peuples ressemble à celle d’une attaque d’explosifs dans la roche, actionnée manuellement à distance par un piston.
Pendant six cents ans, le gouvernement talmudique à Yavné, Usha et Sura, resta au sein ou proche du climat oriental d’origine, où sa nature était comprise des autres peuples ; ceux-ci savaient comment faire face et s’opposer à la doctrine sauvage tribale, et, tant qu’ils n’étaient pas entravés ou gênés par des puissances étrangères dans leurs relations avec elle, ils étaient toujours à même de trouver un compromis quotidien, qui permettait à tous de vivre côte à côte en quasi amitié.
Puis, vint l’événement qui a produit de si violents résultats à notre époque : le gouvernement talmudique se déplaça en Europe christianisée et s’établit parmi des populations pour lesquelless la nature de son dogme et ses méthodes étaient étranges, et même incompréhensibles. Cela mena, au cours des nombreux siècles, au conflit répété entre l’ambition et la doctrine étrangère, et l’intérêt du pays d’origine -rupture dont notre siècle fait à nouveau l’expérience.
La nature des Occidentaux (plus spécialement sous les latitudes Nord) est d’être franc, de déclarer ses intentions, d’utiliser la parole pour exprimer son but, et le christianisme développa ces traits originels. La force qui apparut parmi eux était du caractère opposé, oriental, infiniment subtil, secret, conspirateur, et pratiquait l’utilisation du langage pour dissimuler ses véritables intentions. En cela réside sa plus grande force dans sa rencontre avec l’Occident.
Le déplacement en Europe se fit par les conquêtes islamiques. Les Arabes, sous la bannière du Prophète, chassèrent les Romains de Palestine. De cette façon, les habitants originels de Palestine, qui y avaient vécu quelque deux mille ans avant que les premières tribus hébraïques n’arrivent, devinrent les souverains de leur propre pays, et le demeurèrent pendant neuf cents ans (jusqu’en 1517, où les Turcs le conquirent). On pourrait faire une comparaison instructive entre le traitement islamique et le traitement judaïque des prisonniers :
L’ordre du calife aux conquérants arabes en 637 ap. J.-C. fut: « Vous n’agirez pas traîtreusement, malhonnêtement, ne commettrez aucun excès ou mutilation, ne tuerez aucun enfant ou vieillard ; ne couperez ou ne brûlerez ni les palmiers ni les arbres fruitiers, ne tuerez aucun mouton, vache ou chameau, et laisserez en paix ceux que vous trouvez en train de se consacrer à leurs dévotions dans leurs cellules ». L’ordre de Jéhovah, selon le Deutéronome 20.16, est : « Des villes de ces gens, que l’Éternel ton Dieu te donne en héritage, tu ne laisseras en vie rien qui respire ».
Depuis la Palestine, l’islam étendit ensuite ses frontières d’un bout à l’autre de l’Afrique du Nord, si bien que la grande majorité des juifs tomba à l’intérieur des frontières de la même autorité extérieure. Ensuite, l’islam se tourna vers l’Europe et envahit l’Espagne. Avec cela, l’ombre du sionisme tomba sur tout l’Occident. La conquête maure fut « soutenue à la fois par des hommes et par de l’argent » par les juifs, qui en tant que civils accompagnant une armée, furent traités avec une indulgence remarquable par les conquérants, ville après ville tombant sous leur contrôle ! Le Coran lui-même dit : « Leur but est de semer le désordre sur terre » ; les armées islamiques facilitèrent certainement ce but.
Le christianisme fut ainsi submergé en Espagne. Dans ces circonstances propices, le gouvernement talmudique fut transféré de Babylone en Espagne, et le processus commença, dont les résultats sont apparus pendant notre génération. Le Dr Kastein dit :
« Le judaïsme, dispersé comme il l’était sur la surface du globe, fut
toujours enclin à mettre en place un État fictif à la place de celui qui
avait été perdu, et donc aspira toujours à se tourner vers un centre
commun en guise de guidance… Ce centre fut à l’époque considéré
comme étant situé en Espagne, où l’hégémonie nationale fut
transférée depuis l’Orient. Tout comme Babylone avait
providentiellement pris la place de la Palestine, dorénavant l’Espagne
remplaçait opportunément Babylone, qui, en tant que centre du
judaïsme, avait cessé d’être capable de fonctionner. Tout ce qui
pouvait être fait là-bas avait déjà été accompli ; il avait forgé les chaînes -le Talmud -avec lesquelles l’individu pouvait se ligoter lui-
même pour éviter d’être englouti par son environnement ».
Le lecteur remarquera la description des événements : les « individus » n’ont en général pas l’habitude de se ligoter eux-mêmes, par choix, avec des chaînes forgées pour eux. Quoi qu’il en soit, la captivité juive fut plus rapprochée que jamais, ou peut-être l’avait on rendue plus rapprochée. C’était aux juifs d’y réfléchir.
Ce qui allait devenir d’une importance vitale pour l’Occident était que le gouvernement juif était dorénavant en Europe. Le centre dirigeant et l’idée destructrice s’étaient tous deux introduits en Occident.
Le gouvernement talmudique de la nation-dans-les-nations continua depuis le sol espagnol. Le Gaonate donna ses directives ; l’académie talmudique fut établie à Cordoue ; et quelquefois au moins, un vague exilarque régna sur la communauté juive.
Cela fut accompli sous la protection de l’islam ; les Maures, comme Babylone et la Perse auparavant, firent preuve d’une remarquable bienveillance envers cette puissance qui se trouvait parmi eux. Pour les Espagnols, l’envahisseur en vint à prendre un visage de moins en moins mauresque et de plus en plus juif ; les Maures avaient conquis, mais le pouvoir du conquérant passa en des mains juives. L’histoire que le monde avait vue se dérouler plus tôt à Babylone se répéta en Espagne, et des siècles plus tard, devait se dérouler à nouveau dans chaque grand pays occidental.
Les Maures restèrent en Espagne pendant presque huit cents ans. Quand la reconquête espagnole, après cette longue épreuve, fut achevée en 1492, les juifs, tout comme les Maures, furent expulsés. Ils avaient fini par s’identifier à l’autorité des envahisseurs et furent chassés quand elle prit fin, puisqu’ils l’avaient suivie.
Le « centre » du gouvernement talmudique fut alors transféré en Pologne.
À cet instant-là, moins de quatre siècles avant notre propre génération, un mystère significatif pénètre l’histoire de Sion : pourquoi le gouvernement fut-il installé en Pologne ? Jusqu’à cette période, les annales ne révèlent aucune trace de migration importante de juifs en Pologne. Les juifs qui étaient entrés en Espagne avec les Maures venaient d’Afrique du Nord et quand ils partirent, la plupart d’entre eux retournèrent en Afrique du Nord, ou allèrent en Égypte, en Palestine, en Italie, dans les îles grecques et en Turquie. D’autres colonies étaient apparues en France, en Allemagne, en Hollande et en Angleterre, et celles-ci furent agrandies par l’arrivée parmi elles de juifs de la péninsule ibérique. Il n’y a aucun compte rendu de l’arrivée d’un nombre important de juifs espagnols en Pologne, ou d’une quelconque
migration de masse de juifs en Pologne à n’importe quelle période précédente.
Pourtant, dans les années 1500, quand le « centre » fut installé en Pologne, « une population juive y avait pris naissance par millions », selon le Dr Kastein. Mais des millions de personnes ne « prennent [pas] naissance » soudainement. Le Dr Kastein semble se montrer conscient qu’une explication s’impose ici, et se montre réticent à investir la question, car il balaie cette étrangeté avec la remarque désinvolte comme quoi la taille de cette communauté, dont nul ne savait rien auparavant, « était plus due à l’immigration, apparemment depuis la France, l’Allemagne et la Bohème, qu’à aucune autre cause ». Il n’explique pas quelle autre cause il pourrait avoir à l’esprit et, pour un expert appliqué, il se satisfait étrangement d’une hypothèse hasardeuse sur ce point particulier.
Mais quand un historien sioniste passe ainsi quelque chose sous silence, celui qui est en quête de savoir peut quasiment être sûr que la racine du problème pourrait être découverte à force de persévérance.
Il en est ainsi de ce cas ; derrière la conjecture ingénue du Dr Kastein, le fait le plus important de l’histoire ultérieure de Sion se dissimule. Le « centre » du gouvernement juif fut à cette époque planté au milieu d’une large communauté de gens que le monde ne connaissait pas en tant que juifs, et qui n’étaient, en réalité, en aucune façon juifs au sens littéral. Ils n’avaient absolument aucun sang judaïte (d’ailleurs, le sang judaïte devait à cette époque avoir presque disparu, même parmi les juifs d’Europe de l’Ouest), et leurs ancêtres n’avaient jamais connu la Judée, ou aucun sol autre que celui de la Tartarie.
Ce peuple était les Khazars, une race turco-mongole qui avait été convertie au judaïsme au VIIe siècle de notre ère environ. C’est le seul cas de conversion au judaïsme d’un important groupe de gens de sang très différent (les Iduméens étaient des « frères »). On ne peut que faire des suppositions sur la raison pour laquelle les sages talmudiques la permirent ou l’encouragèrent ; sans elle, toutefois, la « question juive » aurait maintenant rejoint les problèmes que le temps a résolus.
Ce développement (qui sera discuté plus avant dans un prochain chapitre) fut d’une importance vitale, et peut-être même fatale pour l’Occident. L’instinct naturel de l’Europe fut toujours de s’attendre à ce que le plus grand danger pour sa survie vienne de l’Asie. Dès le moment où « le centre » fut transféré en Pologne, ces Asiatiques commencèrent à s’approcher, et plus tard à pénétrer en Occident sous l’apparence de « juifs », et ils amenèrent l’Europe à sa plus grande crise. Bien que leur conversion ait eu lieu très longtemps auparavant, ils vivaient si éloignés que le monde aurait pu ne jamais entendre parler d’eux, si le centre talmudique n’avait pas été installé parmi eux, de sorte qu’ils vinrent se regrouper autour de lui.
Quand on apprit leur existence en tant que « juifs de l’Est », ils profitèrent de l’effet de confusion provoqué par la contraction du mot Judaïte, ou Judéen, en « juif » ; nul n’aurait jamais cru qu’ils étaient judaïtes ou judéens. Dès le moment où ils prirent la direction de la communauté juive, le dogme du « retour » en Palestine fut prêché au nom d’un peuple qui n’avait aucun sang sémitique ou qui n’avait en aucune façon de lien ancestral avec la Palestine !
À partir de cette période, le gouvernement talmudique opéra avec une masse de manœuvre d’un tout autre ordre asiatique.
Une fois encore, un État quasiment indépendant fut formé à l’intérieur de l’État polonais, qui, comme tant d’États auparavant et par la suite, montra la plus grande bienveillance envers la nation-dans-les-nations qui prenait forme à l’intérieur de ses murs. Comme dans les cas précédents et suivants, cela ne mitigea aucunement l’hostilité des juifs talmudiques envers cet État, ce qui était proverbial.
Le Dr Kastein dépeint ce gouvernement juif indépendant durant la phase polonaise. Les talmudistes furent autorisés à rédiger « une constitution », et au cours des années 1500 et 1600, les juifs de Pologne vécurent sous « un gouvernement autonome ». Ce dernier administrait « un système d’économie de fer et une discipline religieuse de fer, ce qui inévitablement conduisit à la formation d’un corps oligarchique d’administrateurs, et au développement d’une forme extrême de mysticisme » (cela donne une image de l’instruction reçue sous une discipline rigide et sous bonne garde, qui produisit les révolutionnaires communistes et sionistes de notre siècle).
Ce gouvernement autonome talmudique était appelé le Kahal. Au sein de son propre territoire, le Kahal était un gouvernement aux pleins pouvoirs, sous suzeraineté polonaise. Il avait autorité indépendante sur les impôts dans les ghettos et les communautés, et était chargé du paiement d’une somme globale au gouvernement polonais. Il passait des lois réglant tout acte et transaction d’homme à homme, et avait le pouvoir d’inculper, de juger, de déclarer coupable ou d’acquitter.
Ce pouvoir s’arrêtait seulement théoriquement à la peine capitale ; d’après le professeur Salo Baron : « En Pologne, où la cour juive n’avait aucun droit d’infliger la peine de mort, le lynchage en tant que mesure préventive extra-judiciaire était encouragé par les autorités rabbiniques telles que Salomon Luria ». (Cette citation révèle le sens intime des allusions fréquentes mais prudentes du Dr Kastein à la « discipline de fer », « l’inexorable discipline », « la discipline mortellement rigide », et ainsi de suite).
Dans les faits, un État juif, gouverné par le Talmud, fut recréé sur le sol de Pologne.
Comme le dit le Dr Kastein, « Telle était la constitution del’État juif, planté sur un sol étranger, cerné par un mur de lois étrangères, avec une structure en partie choisie et en partie imposée… Il avait sa propre loi juive, ses propres prêtres, ses propres écoles, ses propres institutions sociales, et ses propres représentants au gouvernement polonais… En fait, il possédait tous les éléments nécessaires à la formation d’un État ». La réalisation de ce statut fut due « en large mesure à la coopération du gouvernement polonais ».
C’est alors qu’en 1772, la Pologne fut partagée, et cette importante communauté de « juifs de l’Est » organisée en État-dans-l’État, fut divisée par les frontières nationales, la plus grande partie tombant sous autorité russe. À ce stade, pour la première fois en plus de 2500 ans, et moins de deux cents ans avant aujourd’hui, le « centre » du gouvernement juif fut perdu de vue. Jusqu’en 1772, il y en avait toujours eu un : en Pologne, en Espagne, à Babylone, en Galilée, en Judée, à Babylone et en Juda.
Le Dr Kastein dit que « le centre cessa d’exister ». La suggestion est faite que le contrôle centralisé de la communauté juive prit fin à ce moment-là, mais la durée et la force de sa survie antérieure, de même que les événements significatifs du siècle suivant, réfutent cela. Dans un passage postérieur, le Dr Kastein lui-même révèle la vérité, quand il rapporte avec jubilation qu’au XIXe siècle « une internationale juive prit forme ».
Manifestement, « le centre » continua, mais en secret à partir de 1772. On peut déduire la raison de ce retrait dans la dissimulation d’après la forme que prirent par la suite les événements.
Le siècle qui suivit fut celui de la conspiration révolutionnaire communiste et sioniste, se terminant par l’apparition publique de ces deux mouvements, qui ont dominé le présent siècle. Le « centre » talmudique fut aussi le centre de cette conspiration. S’il était resté public, la source de la conspiration aurait été visible, et son association avec les juifs de l’Est talmudiques aurait été évidente.
Ainsi, cela ne devint-il évident que quand la révolution de 1917 résulta en un gouvernement presqu’entièrement juif en Russie ; et à cette époque-là, le pouvoir sur les gouvernement occidentaux était devenu si grand que la nature de ce nouveau régime fut peu discutée, une quasi loi d’hérésie étant entrée en vigueur là-bas. Si l’institution visible avait continué, les populations d’Occident se seraient rendues compte à temps que le gouvernement talmudique de la communauté juive, bien qu’à la tête de la revendication « d’émancipation », était également en train d’organiser une révolution pour détruire tout ce que les peuples pourraient acquérir par cette émancipation.
Les Russes, parmi lesquels cette communauté la plus importante de juifs vivaient à l’époque, savaient ce qui était arrivé. Le Dr Kastein dit : « Les Russes se demandaient quelle pouvait bien être la raison pour laquelle les juifs ne se mélangeaient pas au reste de la population, et en vinrent à la conclusion que dans leurs Kahals secrets, ils possédaient une réserve importante, et qu’un “Kahal mondial” existait ». Le Dr Kastein confirme plus tard ce que les Russes croyaient, par sa propre allusion à « l’internationale juive » du XIXe siècle.
En d’autres mots, le « gouvernement » continua, mais en cachette, et probablement sous une forme différente suggérée par le terme « internationale » du Dr Kastein. La forte présomption est qu’aujourd’hui, le « centre » n’est situé dans aucun pays et que, bien que son siège de pouvoir principal soit manifestement aux États-Unis, il prend maintenant la forme d’un conseil d’administration réparti parmi les nations et œuvrant à l’unisson, par-dessus les gouvernements et les peuples.
Il s’avère que les Russes, qui à l’époque de la disparition du « centre » de la vue publique étaient mieux informés qu’aucun autre peuple sur la question, avaient raison.
La façon dont ce conseil d’administration international acquiert et exerce son pouvoir sur les gouvernements gentils n’est plus tout à fait mystérieuse ; suffisamment d’informations authentiques publiées sont sorties ces dernières cinquante années pour expliquer tout cela, comme ce livre le montrera plus tard.
Le mystère de son emprise de plusieurs siècles sur les « juifs » est plus difficile à pénétrer. Comment une secte a t-elle été capable de maintenir des gens répartis sur tout le globe dans les griffes d’un tribalisme primitif pendant vingt-cinq siècles ?
Le chapitre suivant cherche à donner quelque aperçu des méthodes utilisées pendant la troisième et plus longue phase de l’histoire de Sion -la période talmudique, qui s’étend de 70 ap. J.-C. à environ 1800. Ces méthodes ont en elles-mêmes tant de l’Orient et de l’Asie qu’elles paraissent curieuses aux esprits occidentaux, et sont mieux comprises par ceux dont la propre expérience les mena fréquemment parmi les communautés des « juifs de l’Est » avant la Seconde Guerre mondiale, et au sein des États de police secrète, où l’on gouverne aussi par la peur et la terreur. 

Préface    01, 02, 03, 04, 05, 06, 07, 08, 09, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24

La Controverse de Sion - par DOUGLAS REED (chap. 13)

Chapitre 13

LA CLOTURE AUTOUR DE LA LOI

L’histoire de Sion, depuis son début, connaît cinq phases distinctes : celles des Lévites, des pharisiens, des talmudistes, de l’interlude « d’émancipation », et des sionistes. Ce récit a maintenant atteint la troisième phase.
La phase lévitique fut celle de Juda isolée, de la « captivité » babylonienne et du « retour », et de la réalisation et imposition de la « Loi mosaïque ». La phase pharisaïque, qui suivit et coïncida en gros avec la souveraineté romaine sur la province de Judée, prit fin avec la seconde destruction de Jérusalem, la dispersion des derniers Judéens, la suprématie pharisaïque et le retrait du « gouvernement » dans son nouveau « centre » à Yavné.
La troisième phase, ou phase talmudique, fut de loin la plus longue car elle dura dix-sept siècles, de 70 ap. J.-C. à environ 1800 ap. J.-C. Durant cette période, les juifs arrivèrent en Occident, et le « gouvernement », depuis une succession de « centres », travailla sans relâche à maintenir la nation dispersée sous son contrôle, assujettie à « la Loi » et séparée des autres peuples.
Comme ce fut aussi la période de la civilisation occidentale et de la montée du christianisme, il était inévitable que la chrétienté en particulier (et pas seulement les « païens » ou « étrangers », ou « autres dieux » génériques) devienne la cible principale des commandements destructeurs de la Loi.
Aux yeux de la secte dominante et de ses adeptes, cette période, qui paraît si longue et importante aux esprits occidentaux, fut pour l’essentiel aussi insignifiante que la période babylonienne. Le fait que l’une durât dix-sept siècles et l’autre cinquante ans ne faisait pas vraiment de différence : toutes deux furent simplement des périodes « d’exil » pour le peuple spécial ; et sous la Loi, le long épisode occidental, comme le court épisode babylonien, était destiné à finir par un désastre pour les « ravisseurs », un triomphe juif et un nouveau « retour », toutes choses qu’un nouveau Daniel interpréterait en ces termes.
Les dix-sept siècles représentaient une nouvelle « captivité » sous la Loi, qui décrétait qu’où que vive le peuple élu -hors de Jérusalem ¬il était en captivité, et cette captivité était en elle-même une « persécution ».
Par conséquent, pour un sioniste littéral comme le Dr Kastein, les dix-sept siècles qui virent se produire la montée de la chrétienté forment une page de l’Histoire qui reste blanche, excepté pour le récit de la « persécution juive » qui y est inscrit. Le reste fut tout de bruit et de fureur, ne signifiant rien ; ce fut une période de temps durant laquelle Jéhovah utilisa les païens pour tourmenter les juifs pendant qu’il préparait le triomphe de son peuple spécial ; et les païens n’ont toujours pas payé pour ce qu’ils ont fait (pleure-t-il). Le seul résultat positif des dix-sept siècles chrétiens, pour lui, est que les juifs en émergèrent toujours isolés de l’humanité, grâce à leurs gouverneurs talmudiques.
C’était assurément un exploit stupéfiant ; dans toute l’histoire des accomplissements négatifs, rien ne peut approcher les résultats obtenus par les sages de Sion. Dans le Talmud, ils construisirent cette « clôture autour de la Loi », qui réussit à résister, pendant dix-sept siècles, aux forces centrifuges qui attiraient les juifs vers l’humanité.
Pendant qu’ils renforçaient leur palissade, les Européens, ayant accepté le christianisme, peinèrent durant des siècles pour appliquer la loi morale du christianisme dans la vie quotidienne, en abolissant le servage et l’esclavage, en réduisant les privilèges et les inégalités, et plus généralement en élevant la dignité de l’homme. Ce processus fut connu comme « l’émancipation », et en l’an 1800, elle était sur le point de l’emporter sur le système des souverains absolus et des castes privilégiées.
Les juifs, dirigés par leurs chefs talmudiques, jouèrent un rôle majeur dans la lutte pour l’émancipation. En soi, c’était très bien. Les populations de la chrétienté considéraient depuis le début que les libertés à acquérir devaient au final revenir à tous les hommes, sans distinction de race, de classe ou de foi ; c’était la signification exacte de la lutte elle-même, et quoi que ce soit d’autre -ou moins que ça -lui aurait fait perdre tout son sens.
Néanmoins, dans le cas des juifs, il y avait un paradoxe évident, qui déconcertait et alarmait de manière répétée les peuples au milieu desquels ils vivaient : la Loi juive exprimait la théorie de la race supérieure dans la forme la plus arrogante et vindicative que l’imagination humaine pût concevoir ; comment alors les juifs pouvaient-ils attaquer la nationalité chez les autres ? Pourquoi les juifs demandaient-ils l’abaissement des barrières entre les hommes, alors qu’ils construisaient une barrière encore plus forte entre les juifs et les autres hommes ? Comment un peuple, qui prétendait que Dieu avait créé pour eux le monde lui-même, afin qu’ils le dominent, et leur interdisait de se mélanger aux races inférieures, pouvait-il se plaindre de discrimination ?
Maintenant que cent-cinquante ans de plus ont passé, les événements ont apporté la réponse à de telles questions.
Il est vrai que la revendication juive à l’émancipation n’était pas vraiment concernée par le grand idéal ou principe en question -la liberté humaine. La Loi judaïque niait cet idéal et principe. Les gouverneurs talmudiques de la communauté juive virent que le moyen le plus rapide de supprimer les barrières entre eux-mêmes et le pouvoir sur les nations, était de détruire les gouvernements légitimes de ces nations ; et le moyen le plus rapide pour atteindre ce but était de crier « émancipation ! ».
Ainsi, la porte ouverte par l’émancipation pourrait-elle être utilisée pour introduire la force révolutionnaire permanente dans la vie des nations ; avec la destruction de tous les gouvernements légitimes, les révolutionnaires arriveraient au pouvoir, et ces révolutionnaires seraient formés par le Talmud, et contrôlés par le Talmud. Ils agiraient toujours selon la Loi mosaïque, et de cette façon, la fin de Babylone pourrait être reproduite en Occident.
Les événements du XXe siècle nous montrent que cela fut le plan auquel les sages talmudiques travaillèrent durant la troisième phase de l’histoire de Sion, de 70 ap. J.-C. à environ 1800 ap. J.-C. Ainsi, la différence fut-elle des plus grande entre la compréhension de « l’émancipation » par les peuples européens christianisés au milieu desquels vivaient les juifs, et celle des dirigeants talmudiques des juifs. Pour la majorité des populations, l’émancipation représentait une fin : la fin de la servitude. Pour la puissante secte secrète, elle représentait un moyen pour une fin opposée : l’imposition d’une nouvelle servitude, plus sévère.
Un grand danger accompagnait cette entreprise. C’était le fait que la destruction des barrières entre les hommes pourrait aussi détruire la barrière entre les juifs et les autres hommes ; cela aurait détruit le plan lui-même, car cette force qui devait être utilisée, une fois l’émancipation obtenue, pour « terrasser et détruire » les nations, aurait été dispersée.
Cela faillit arriver durant la quatrième phase de l’histoire de Sion ; le siècle de l’émancipation (disons, de 1800 à 1900 ap. J.-C.) amena le péril de « l’assimilation ». Au siècle de la « liberté », un grand nombre de juifs, en Europe de l’Ouest et dans le nouvel « Occident » outre-atlantique, manifestèrent le désir de se libérer des chaînes de la Loi judaïque et de se mêler à la vie des peuples. Pour cette raison, notre historien sioniste, le Dr Kastein, considère le XIXe siècle comme étant l’âge le plus sombre de toute l’histoire juive, marqué par le danger mortel de l’implication dans l’humanité, qui heureusement fut évité. Il ne peut contempler sans horreur la destruction, par l’assimilation, des barrières judaïques de la race et de la croyance. Ainsi, qualifie-t-il de « rétrograde » le mouvement vers l’émancipation au XIXe siècle, et remercie-t-il Dieu que « l’idéologie sioniste » ait préservé les juifs du sort de l’assimilation.
Cela nous amène à la cinquième phase, celle qui commença en 1900 environ, et dans laquelle nous vivons actuellement. La palissade talmudique tint bon, et à la fin de la quatrième phase, les juifs, complètement « émancipés » selon l’acception occidentale, étaient toujours isolés sous leur propre Loi. Ceux qui avaient tendance à s’échapper, en allant vers « l’assimilation », étaient alors ramenés dans l’enceinte tribale par la puissance mystique du nationalisme.
En utilisant le pouvoir sur les gouvernements, pouvoir qu’elle avait acquis par l’émancipation, la secte dirigeante accomplit un second « retour » en terre élue, et rétablit ainsi la Loi de 458 av. J.-C., avec sa mission impériale et destructrice. Une fièvre chauvine, qui doit encore suivre son cours, fut injectée dans les veines de la communauté juive mondiale ; l’important pouvoir exercé sur les gouvernements occidentaux fut utilisé dans un but concerté ; et toute l’épreuve destructrice de l’Occident au XXe siècle fut liée à, et dominée par l’ancienne ambition de Sion, ravivée depuis l’Antiquité pour devenir le dogme de la politique occidentale.
Cette cinquième phase a environ cinquante-cinq ans, à l’heure où ce livre est rédigé, et ses premiers résultats sont redoutables. La « Loi mosaïque » a été superposée à la vie des peuples occidentaux, vie qui est en fait gouvernée par cette Loi, et par aucune loi qui lui soit propre. Les opérations politiques et militaires des deux guerres mondiales ont été détournées pour promouvoir l’ambition sioniste, et la vie et le trésor de l’Occident ont été déversés en sa faveur.
Quarante ans de carnage continu en Palestine n’ont manifestement été que le prélude à ce qui est encore à venir là-bas. Une troisième guerre mondiale pourrait débuter et se répandre hors de la Palestine, et si une guerre devait commencer ailleurs, on peut prévoir que sur sa route, elle cernerait et attaquerait l’ambition de Sion, qui ne sera pas atteinte avant qu’une partie beaucoup plus importante du Moyen-Orient n’ait été conquise, que les « autres Dieux » n’aient été jetés à terre, et que « toutes les nations » n’aient été asservies.
Le Dr Kastein voit dans cette cinquième phase l’âge d’or durant lequel « l’Histoire pourra reprendre » (après l’interrègne insignifiant connu sous le nom d’ère chrétienne), et le sionisme, en tant que « possesseur d’une mission mondiale », se rappropriera un héritage destiné, culminant dans la domination mondiale -héritage dont il fut scandaleusement dépossédé en 70 ap. J.-C. (quand « l’Histoire » fut interrompue).
Ce récit a maintenant atteint la troisième de ces cinq phases, la longue phase durant laquelle les scribes talmudiques de l’académie de Yavné commencèrent avec une application infinie à tisser la Loi en une toile beaucoup plus grande, aux ramifications infinies, d’où un juif aurait du mal à s’échapper sans pénalité désastreuse. Par ce moyen, ce qui paraissait impossible fut accompli : une race de gens dispersée à travers le monde fut maintenue pendant mille sept-cents ans à l’écart de l’humanité, et formée à une tâche destructrice au XXe siècle de l’ère chrétienne.
Un compte rendu de cette remarquable période de préparation et d’organisation, durant laquelle une clôture fut élevée autour de la Loi judaïque afin que la « liberté » n’absorbe pas le peuple spécial ou n’affaiblisse pas sa force destructrice, semble ici approprié. 


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La Controverse de Sion - par DOUGLAS REED (chap. 12)

Chapitre 12

LA LUMIERE ET L’OMBRE

Deux groupes de voyageurs passèrent les portes de Jérusalem, avant qu’elle ne tombe, en 70 ap. J.-C. Les disciples portaient un nouveau message à l’humanité, car le christianisme était né. Les pharisiens, prévoyant le sort qu’ils avaient amené sur Jérusalem, se retirèrent dans un nouveau siège depuis lequel (comme à Babylone jadis) la secte dirigeante pourrait exercer son autorité sur « les juifs », où qu’ils vivent dans le monde.
Ces deux petits groupes de voyageurs étaient l’avant-garde des partis de la lumière et des ténèbres qui, comme un homme et son ombre, ont traversé les siècles, toujours plus en direction de l’ouest.
La crise actuelle de « l’Occident » remonte directement à ce départ de la Jérusalem maudite dix-neuf siècles plus tôt, car les deux groupes amenèrent en Occident des idées qui ne pourraient jamais se réconcilier. L’une devait l’emporter sur l’autre, tôt ou tard, et notre génération est actuellement le témoin de l’ultime tentative pour la victoire de l’idée destructrice.
Au cours des siècles précédents, l’histoire de l’Occident fut toujours, de manière générale, celle de la lutte entre les deux idées. Quand « la Loi » selon les Lévites et les pharisiens était dominante, l’Occident rendit les hommes esclaves, amena les hérétiques devant l’Inquisition, mit les apostats à mort, et se soumit aux visions primitives de la race supérieure ; ainsi, le XXe siècle fut-il la période de la pire récidive en Occident. Quand l’Occident libéra les hommes et les nations, établit la justice entre eux, mit en place le droit à un procès équitable et juste, désavoua la race supérieure et reconnut la paternité universelle de Dieu, elle suivait l’enseignement de celui qui était venu « accomplir la Loi ».
Les Romains, quand ils prirent Jérusalem, frappèrent des médailles avec l’inscription : « Judaea devicta, Judaea capta »3. C’était un péan prématuré ; Jérusalem était peut-être en ruine et la Judée désertée des juifs, mais la secte dirigeante était libre et victorieuse. Ses opposants autour du Temple avaient été balayés par le conquérant, et elle était déjà installée dans son nouveau « centre », où elle s’était retirée avant la chute de la ville.
Les pharisiens étaient aussi suprêmes dans cette nouvelle citadelle que les Lévites autrefois à Babylone, mais ils aperçurent un nouvel ennemi venu du monde extérieur. La secte qui croyait que le
3 Judée vaincue, Judée prise -NdT
Messie était apparu, et qui se donnait le nom de chrétienne, ne tint pas compte de cette hostilité ; au contraire, son principe souverain était « aime tes ennemis ». Mais comme le principe premier de la loi pharisaïque était « hais tes ennemis », c’était en soi un affront délibéré et un défi aux sages dans leur retraite.
Ils virent dès le début que la nouvelle religion devrait être détruite s’ils voulaient que leur « Loi » l’emporte, et ils ne furent pas dissuadés par les mises en garde qui -à ce moment-là comme à chaque fois lors des occasions passées et futures -se faisaient entendre dans leurs propres rangs ; par exemple, les paroles de Gamaliel quand le Grand prêtre et le Conseil étaient sur le point de faire flageller Pierre et Jean pour avoir prêché dans le temple : « Réfléchissez bien à ce que vous êtes sur le point de faire. Si c’est l’œuvre des hommes, elle sera bientôt réduite à néant ; mais si c’est l’œuvre de Dieu, vous ne pourrez pas la détruire ». La majorité des pharisiens se sentaient assez forts, avec leur propre Loi artificielle, pour « la détruire », et si nécessaire, pour œuvrer durant des siècles à cette tâche.
Ainsi, les pharisiens, quand ils abandonnèrent à leur sort les Judéens survivants et installèrent leur nouveau siège à Yavné (toujours en Palestine), emmenèrent leurs sombres secrets du pouvoir sur les hommes dans un monde différent de tout autre monde avant lui.
Auparavant, leur doctrine tribale n’avait été qu’une doctrine parmi de nombreuses doctrines tribales. La vengeance par le sang avait été la règle parmi tous les hommes et tous les clans. Les « païens » alentour avaient peut-être été alarmés par la violence et le caractère vindicatif particuliers de la doctrine judaïque, mais ils n’avaient guère offert grand chose de plus éclairé. À partir de cet instant, cependant, la secte dirigeante fut confrontée à une doctrine qui s’opposait directement à chaque principe de leur propre « Loi », comme le blanc s’oppose au noir. De plus, cette nouvelle idée dans le siècle, par les caractéristiques et le lieu de sa naissance, était un reproche éternel envers eux.
Les pharisiens dans leur place-forte se préparèrent à vaincre cette nouvelle force qui était venue au monde. Leur tâche était plus grande que celle des Lévites à Babylone. Le Temple était détruit, et Jérusalem était dépeuplée. La tribu de Juda avait été dispersée depuis longtemps ; la race des Judéens était alors en train de disparaître. Il restait une « nation juive », composée de personnes au sang maintes fois mélangé, qui étaient dispersées dans tout le monde connu, et qui devaient être maintenues dans l’unité par le pouvoir de l’idée tribale et du « retour » sur une terre, « promise » à un « peuple spécial » ; cette nation dispersée devait également rester convaincue de sa mission destructrice parmi les nations où elle vivait.
« La Loi » sous la forme qui commençait déjà à être connue du monde extérieur, ne pouvait plus être modifiée, ni se voir ajouter de nouveaux chapitres historiques. De plus, Jésus avait spécifiquement adressé ses reproches à la falsification par les scribes de ces « commandements d’hommes ». Il avait été tué, mais pas contesté, et on ne lui avait pas non plus donné le coup de grâce (comme le développement de la secte chrétienne le montra). Aussi, son accusation de la Loi subsistait-elle, et elle était si probante que pas même les pharisiens ne pouvaient espérer convaincre qui que ce soit en traitant simplement Jésus de transgresseur de la Loi.
Néanmoins, la Loi avait besoin d’être réinterprêtée continuellement et appliquée aux événements des temps changeants, de sorte qu’il soit toujours montré au « peuple spécial » que chaque événement, peu importe s’il était paradoxal à première vue, était en fait un des accomplissements de Jéhovah. Les pharisiens à Yavné invoquèrent une fois de plus leur prétention de posséder les secrets de Dieu et commencèrent, sur cette prétention, à réinterpréter les « lois et commandements » afin qu’ils puissent se montrer applicables au christianisme. Ce fut l’origine du Talmud, qui dans les faits est l’extension anti-chrétienne de la Torah.
Le Talmud devint, au cours des siècles, « la clôture autour de la Loi » ; la palissade tribale extérieure autour de la palissade tribale intérieure. La signification se trouve dans la période où il fut commencé : quand la Judée n’était plus, quand « le peuple » était dispersé parmi toutes les nations, et au moment où une nouvelle religion était en train de prendre forme, enseignant que Dieu était le père de tous les hommes, et pas seulement le patron d’une tribu désignée.
Si l’on observe cette période depuis notre siècle, la tâche que les pharisiens entreprirent nous semble impossible, car le désir de faire partie de l’humanité devait sûrement avoir un attrait puissant pour un peuple dispersé.
Les pharisiens, comme les événements l’ont prouvé, réussirent leur immense entreprise. Le Talmud fut efficace pour interposer une barrière entre les juifs et les forces d’intégration libérées par le christianisme.
Deux exemples actuels illustrent les effets du Talmud, de nombreux siècles après sa compilation. Les frères Thoreau, dans leurs ouvrages, donnent à l’étudiant appliqué quelques rares aperçus de ce qui se trouve derrière les murs talmudiques ; dans l’un de ces ouvrages, ils décrivent ce petit garçon juif de Pologne à qui l’ont avait appris à cracher tout à fait mécaniquement quand il passait le long du Calvaire, et à dire : « Maudit sois-tu qui a créé une autre religion ». En 1953, à New York, un jeune missionnaire de l’Église morave de Jérusalem décrivit la saisie par les sionistes, à Jérusalem, du dispensaire morave pour les lépreux, appelé « La Mission de Jésus » ; leur premier acte fut de couvrir de mastic le nom de « Jésus », qui pendant plus de cent ans avait été inscrit au-dessus de la porte.
De tels incidents (et l’interdit de mentionner le nom de Jésus) proviennent directement de l’enseignement du Talmud, qui de fait était une autre « Nouvelle Loi », d’application spécifiquement anti¬chrétienne. Pour cette raison, la période suivante dans l’histoire de Sion ne peut qu’être décrite comme celle des talmudistes, les périodes précédentes ayant été celles des pharisiens et des Lévites.
Tandis que les talmudistes pharisaïques, dans leur nouvelle académie à Yavné, étaient en train de travailler sur la nouvelle Loi, les nouvelles de la vie et des leçons de Jésus se répandaient à travers les territoires de Rome.
Un pharisien aida grandement à les répandre ; Saül de Tarse se mit en route depuis Jérusalem (avant sa chute) pour exterminer les hérétiques à Damas, et avant qu’il n’arrive là-bas, devint un disciple de Jésus. Il prêchait autant au juif qu’au gentil, jusqu’à ce qu’on l’en empêche, et il dit aux juifs : « Il était nécessaire que la parole de Dieu vous soit d’abord annoncée à vous ; mais en voyant que vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, nous nous tournons vers les gentils ».
Le Dr Kastein dit de Saül, ou Paul, qu’ « il fit de tous ceux qu’il persuada de croire en sa prophétie des renégats au sens le plus large, qu’ils soient juifs ou gentils ».
Cependant, ce que Paul (et d’autres) dirent était en fait inévitable à ce moment-là, car partout les hommes avançaient à tâtons vers le Dieu universel, et se tournaient vers l’enseignement de Jésus comme les plantes qui croissent se tournent vers la lumière. Peut-être cet élan chez l’homme était-il aussi la raison pour laquelle Jésus devait apparaître parmi les Judéens ; la doctrine judaïque était le tribalisme dans sa forme la plus fanatique, même à cette époque-là, et, comme toute action produit sa réaction, la contre-idée était destinée à apparaître là où la pression était la plus forte.
Ce fut un moment fatidique pour ce grand territoire, alors peu connu ou peuplé, qu’on appelle aujourd’hui l’Occident. Si les disciples n’avaient pas tourné leurs regards vers l’ouest, le terme « l’Occident », et ce qu’il dénote, aurait pu ne jamais naître.
Ce que l’on appelle la « civilisation occidentale » ne peut se concevoir sans le christianisme. Durant les mille neuf cents ans qui suivirent la mort de Jésus, l’Occident s’améliora tellement qu’il laissa le reste du monde derrière lui. Sur les questions matérielles, son avancée fut si grande qu’à l’époque où ce livre fut écrit, il était à deux doigts de conquérir l’espace ; il était sur le point d’ouvrir l’univers à l’exploration humaine. Mais ce fut là la moindre de ses réussites.
Sa plus grande amélioration fut dans le domaine de l’esprit et du comportement de l’homme envers son semblable. L’Occident mit en place le droit des hommes à une inculpation officielle et à un procès ou une libération publics (un droit qui fut à nouveau menacé au XXe siècle), et ceci fut la plus grande avancée de toute l’Histoire humaine ; de la survie ou de la destruction de cet accomplissement dépend son avenir.
L’ombre qui suivit les disciples au-delà des portes de Jérusalem, avant l’entrée des Romains, suivit aussi le christianisme jusqu’en Occident, et la secte talmudique suivit de près le christianisme durant tous ces siècles. Au XXe siècle, l’Occident devint la scène de la bataille entre les nations qui s’étaient levées avec le christianisme, et la secte dédiée à l’idée destructrice.
L’Occident n’est pas le seul impliqué dans cette affaire. Environ cinq cents ans après la vie de Jésus, l’élan instinctif des hommes à rechercher un Dieu unique produisit un autre défi au racisme talmudique, et cette fois il vint des populations sémitiques. Les Arabes, eux aussi, parvinrent au concept d’un Dieu unique de tous les hommes.
Mahomet (écarté par le Dr Kastein comme « un Bédouin à moitié inculte »), comme Saül sur le chemin de Damas, eut une vision de Dieu. Son enseignement, de bien des manières, ressemble à celui de Jésus. Il considérait Jésus comme ayant été, de même qu’Abraham ou Moïse, un prophète de Dieu (et non le Messie). Il se voyait lui-même comme le successeur de Moïse et de Jésus, et comme le prophète de Dieu, qu’il appelait Allah. Il n’y avait qu’un Dieu, Allah, le créateur de l’humanité, et Allah n’était pas le dieu tribal des Arabes, mais le Dieu de tous les hommes.
Cette religion, comme le christianisme, n’enseignait nullement la haine des autres religions. Mahomet ne faisait que rendre hommage à Jésus et à sa mère (qui sont tous deux objets de dérision blasphématoire dans la littérature talmudique).
Cependant, Mahomet considérait les juifs comme une force destructrice et œuvrant pour ses propres buts. Le Coran dit d’eux : « Toutes les fois qu’ils allument un feu pour la guerre, Dieu l’éteint. Et leur but est de semer le désordre sur terre ; mais Dieu n’aime pas les semeurs de désordre ». Tout au long des siècles, les hommes les plus sages parlèrent ainsi de la doctrine tribale et de la secte, jusqu’au XXe siècle de notre ère, où le débat public sur cette question fut quasiment supprimé.
Ainsi naquit l’islam, et il se répandit dans les régions méridionales du monde connu, tandis que le christianisme se répandit en Occident, et le bouddhisme, auparavant, en Orient. De grands courants commencèrent à se déplacer, comme vers un confluent qu’ils atteindraient un jour lointain, car ces religions universelles ne sont sur aucun principe majeur comme l’huile et l’eau, et elles s’accordent sur la condamnation de la doctrine de la race-maître et de l’idée destructrice.
Le christianisme et l’islam se déployèrent et embrassèrent de grandes portions de l’humanité ; l’élan qui évoluait en l’homme devint clair. Loin derrière ces religions universelles, se tenait le judaïsme, dans son enceinte tribale, jalousement gardé par la secte interne.
Au XXe siècle, cette secte puissante fut capable d’amener les populations de la chrétienté et de l’islam au bord d’une bataille mutuelle destructrice. Si la génération actuelle est témoin de cette rupture, le spectacle sera celui d’une grande religion universelle luttant contre une autre dans le but d’établir la doctrine de la « race supérieure ».
Dix-neuf siècles auparavant, les deux groupes d’hommes quittèrent autrefois Jérusalem, s’acheminant vers cet étrange dénouement. 



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La Controverse de Sion - par DOUGLAS REED (chap. 11)

Chapitre 11

LE PHENIX PHARISAÏQUE 
 
C’est là qu’arrive le paradoxe familier et récurrent ; la catastrophe de Judée, qui arriva quelques décennies après la mort de Jésus, fut le triomphe des pharisiens, car elle les rendit suprêmes dans la communauté juive. Par la crucifixion de Jésus, ils se débarrassèrent d’un « prophète et rêveur » qui aurait jeté leur Loi à terre. Les brèves années qui restaient à la Judée les débarrassèrent de tous les autres partis qui luttaient contre eux pour le pouvoir sous cette Loi.
Après la mort de Jésus, les pharisiens, selon l’Encyclopaedia Juive, trouvèrent un « soutien et ami » en la personne du dernier roi hérodien de Judée, Agrippa 1er. Agrippa les aida à se débarrasser des sadducéens, qui disparurent de la scène judéenne, y laissant toutes les affaires entre les mains des pharisiens (dont la plainte concernant le lignage iduméen semble, par conséquent, peu fondée). Ils devinrent ainsi tout puissants à Jérusalem, comme les Lévites après la séparation de Juda d’avec Israël, et comme lors de ce précédent événement, le désastre s’ensuivit immédiatement. En se relevant, tel un phénix, des cendres de tout cela, les pharisiens répétèrent aussi l’histoire des Lévites.
Durant les quelques années qui restaient à la minuscule province déchirée, les pharisiens révisèrent une fois de plus « la Loi », ces « commandements d’hommes » que Jésus avait attaqués de la manière la plus cinglante. Le Dr Kastein dit : « La vie juive était régie par les enseignements des pharisiens ; toute l’histoire du judaïsme fut reconstruite à partir du point de vue pharisaïque. Le pharisaïsme forma l’identité du judaïsme, et la vie et la pensée du juif pour l’avenir entier… Il fait du « séparatisme » sa caractéristique principale ».
Ainsi, immédiatement après la vie de Jésus et son accusation des « commandements d’hommes », les pharisiens, comme les Lévites auparavant, intensifièrent la nature raciale et tribale et la rigueur de la Loi ; la doctrine de la destruction, de l’asservissement et de la domination fut aiguisée à la veille de l’ultime dispersion du peuple.
Les paroles du Dr Kastein sont d’un intérêt tout particulier. Il avait auparavant déclaré (comme déjà cité) qu’après que Néhémie eut infligé la « Nouvelle Alliance » aux Judaïtes, la Torah reçut une mise au point « finale », et qu’ « aucun mot » ne devait en être changé par la suite. De plus, au temps de cette « reconstruction » pharisaïque, l’Ancien Testament avait déjà été traduit en grec, si bien que les changements supplémentaires apportés par les pharisiens n’auraient pu se faire que dans l’original.
Il semble plus probable que la déclaration du Dr Kastein se réfère au Talmud, l’immense continuation de la Torah qui fut apparemment commencée durant les dernières années de la Judée, bien qu’elle ne fût consignée par écrit que bien plus tard. Quoiqu’il se passât, « la vie et la pensée du juif » furent une fois encore établies « pour l’avenir entier », et le « séparatisme » fut réaffirmé en tant que principe suprême de la Loi.
En 70 ap. J.-C., peut-être trente-cinq ans après la mort de Jésus, tout s’écroula. La confusion et le désordre en Judée étaient incurables, et Rome intervint. Les pharisiens, qui avaient à l’origine sollicité l’intervention romaine et étaient suprêmes en Judée sous les Romains, ne réagirent pas.
D’autres peuples de Palestine, et plus particulièrement les Galiléens, refusèrent de se soumettre à Rome, et après de nombreux soulèvements et campagnes, les Romains entrèrent dans Jérusalem et la rasèrent. La Judée fut déclarée territoire conquis, et le nom disparut de la carte. Pendant de longues périodes durant les mille neuf cents ans qui suivirent, aucun juif ne vécut à Jérusalem (les Samaritains, un minuscule noyau de ceux qui avaient survécu à toutes les persécutions, sont le seul peuple ayant vécu en Palestine en continu depuis les temps de l’Ancien Testament).
Le Dr Kastein appelle les soixante-dix ans qui se terminèrent par la destruction romaine de Jérusalem « l’Âge héroïque », sans doute à cause du triomphe pharisaïque sur tous les autres dans la lutte pour l’âme du judaïsme. Il pourrait difficilement vouloir appliquer cet adjectif au combat contre les Romains, puisqu’il fut mené en grande partie par les étrangers galiléens, dont il n’est guère l’admirateur. 


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La Controverse de Sion - par DOUGLAS REED (chap. 10)

Chapitre 10

L’HOMME DE GALILEE 

À la naissance de Jésus, l’espoir vibrant qu’un être merveilleux était sur le point d’apparaître était généralisé parmi les Judéens. Ils se languissaient d’avoir la preuve que Jéhovah avait l’intention de maintenir l’Alliance avec son peuple élu, et les scribes, réagissant à la pression de ce désir populaire, avaient progressivement introduit dans les écritures l’idée de l’Oint, du Messie, qui viendrait remplir son engagement.
Les Targams -les commentaires rabbiniques de la Loi -disaient : « Comme il est beau, le roi Messie qui s’élèvera de la maison de Juda. Il se préparera et s’avancera pour la bataille contre ses ennemis, et de nombreux rois seront tués ».
Ce passage montre que les Judéens avaient été amenés à espérer. Ils attendaient un Messie militant et vengeur (dans la tradition de « tous les premiers-nés d’Égypte » et de la destruction de Babylone) qui briserait les ennemis de Juda « avec une verge de fer » et « les mettrait en pièces comme un vase de potier », qui leur amènerait l’empire de ce monde et l’accomplissement littéral de la Loi tribale ; car c’était ce que des générations de pharisiens et de Lévites avaient prédit.
L’idée d’un Messie humble qui dirait « aime tes ennemis » et serait « méprisé et rejeté des hommes, un homme de douleur » n’était pas du tout présente dans l’opinion publique et aurait été « méprisée et rejetée » si quiconque avait amené l’attention sur ces paroles d’Isaïe (qui ne prirent leur sens qu’après que Jésus eut vécu et fut mort).
Pourtant, l’être qui apparut, même s’il était humble et enseignait l’amour, prétendait apparemment être ce Messie, et fut acclamé comme tel par de nombreuses personnes !
En quelques mots, il balaya la totalité de la politique raciale, que la secte dirigeante avait entassée par-dessus l’ancienne loi morale, et tel un archéologue, ramena au grand jour ce qui avait été enterré. Les pharisiens reconnurent immédiatement un « prophète et rêveur de rêves » des plus dangereux.
Le fait qu’il trouva tant de disciples parmi les Judéens montre que, même si la majorité des gens voulaient un Messie militant et nationaliste qui les libérerait des Romains, beaucoup parmi eux devaient réaliser inconsciemment que leur véritable captivité était d’ordre spirituel et pharisaïque, plutôt que romain. Néanmoins, le peuple répondit mécaniquement à l’accusation des politiciens pharisaïques selon laquelle l’homme était un blasphémateur et un faux Messie.
Par cette réponse, ils léguèrent à toutes les futures générations de juifs un doute torturant, et pas moins insistant parce qu’il ne devait pas être prononcé (car le nom de Jésus ne peut même pas être mentionné dans une maison juive pieuse) : le Messie apparut-il uniquement pour se faire rejeter par les juifs, et si ce fut le cas, quel est leur avenir, sous la Loi ?
Quel genre d’homme était-il donc ? Un autre paradoxe dans l’histoire de Sion est que les ecclésiatiques et théologiens chrétiens de notre génération soutiennent souvent que « Jésus était un juif », alors que les sages judaïstes refusent de permettre cela (les rabbins sionistes qui racontent occasionnellement aux publics politiques ou « inter-religieux » que Jésus était un juif ne font pas vraiment exception à la règle ; ils ne feraient pas cette déclaration parmi les juifs et cherchent à produire un effet parmi les auditeurs non-juifs, pour des raisons politiques).2
Cette affirmation publique, « Jésus était un juif », est toujours utilisée à notre époque pour des raisons politiques. Elle est souvent employée pour étouffer les objections à l’influence sioniste en politique internationale ou à l’invasion sioniste de la Palestine, la suggestion étant que, comme Jésus était un juif, nul n’a le droit de s’opposer à quoi que ce soit se présentant comme étant fait au nom des juifs. L’absurdité du raisonnement est évidente, mais les foules sont touchées par de telles expressions, et le résultat paradoxal, une fois encore, est que cette déclaration, des plus offensantes pour les juifs littéraux, est le plus fréquemment faite par des hommes politiques et des ecclésiastiques non-juifs qui recherchent les faveurs des juifs.
L’abréviation anglaise, « Jew » (« juif « ), est récente et ne correspond à rien qui soit dénoté par les termes « Judaïte » ou « Judéen » en araméen, grec ou romain -termes utilisés au temps de Jésus. En fait, le nom anglais « Jew » (et le français « juif » -NdT) ne peut être défini -si bien que les dictionnaires, qui sont très scrupuleux concernant tous les autres mots, en sont réduits à des absurdités
2 Le rabbin Stephan Wise, l’organisateur en chef sioniste aux États-Unis pendant la période 1910-1950, utilisa cette expression pour le motif politique évident d’embrouiller les auditeurs non-juifs. Prenant la parole lors d’une telle réunion « inter-religieuse » au Carnegie Hall durant la période de Noël 1925, il déclara que « Jésus était un juif, pas un chrétien » (le christianisme est né à la mort de Jésus). À cause de cela, il fut excommunié par l’Orthodox Rabbis Society of the United States [la Société des rabbins orthodoxes des États-Unis – NdT], mais une Association de Pasteurs Chrétiens « m’acclama comme un frère ». Le rabbin Wise ajoute le commentaire caractéristique : « Je ne sais pas ce qui m’a fait le plus mal, être accepté en tant que frère et accueilli dans le giron chrétien, ou la violente diatribe des rabbins ».
aussi flagrantes que « Personne de race hébraïque » ; et l’État sioniste n’a aucune définition légale du terme (ce qui est naturel, puisque la Torah, qui est la Loi, exige une descendance judaïte pure, et on aurait du mal à trouver une personne d’un tel lignage dans le monde entier).
Si la déclaration « Jésus était un juif » a une signification, donc, elle doit s’appliquer aux conditions qui prévalaient à son époque. En ce cas, elle signifierait une de ces trois choses, ou toutes les trois : que Jésus était de la tribu de Juda (donc un Judaïte) ; qu’il demeurait en Judée (donc un Judéen) ; qu’il était religieusement parlant « un juif », si une quelconque religion dénotée par ce terme existait à son époque.
Donc, la race, le lieu de résidence et la religion.
Ce livre n’est pas le lieu pour débattre de la question de la descendance raciale de Jésus, et ce qui est surprenant, c’est que les théologiens chrétiens se permettent de faire certaines déclarations. Le lecteur devrait se former sa propre opinion, s’il désire en avoir une sur la question.
La généalogie de Marie n’est pas donnée dans le Nouveau Testament, mais trois passages sembleraient sous-entendre qu’elle était de descendance davidique ; saint Matthieu et saint Luc remontent la descendance de Joseph à David et Juda, mais Joseph n’était pas le père biologique de Jésus. Les autorités judaïstes discréditent toutes ces références de descendance, affirmant qu’elles furent insérées pour faire correspondre le récit à la prophétie.
Quant au lieu de résidence, saint Jean déclare que Jésus est né à Bethléem en Judée, par le hasard que sa mère dut y venir depuis la Galilée pour se faire enregistrer ; les autorités judaïstes, encore, maintiennent que cela fut ajouté pour que le compte rendu concorde avec la prophétie de Michée qu’ « un souverain viendrait de Bethléem ».
L’Encyclopaedia Juive soutient que Nazareth était la ville natale de Jésus, et à vrai dire, le consensus général est qu’il était Galiléen, quelle que soit la possibilité de son véritable lieu de naissance. La Galilée, où il passa presque toute sa vie, était d’un point de vue politique entièrement séparée de la Judée, sous son propre tétrarque romain, et avait avec la Judée des relations de « pays étranger » (Graetz). Les mariages entre Judéens et Galiléens étaient interdits et même avant la naissance de Jésus, tous les Judéens vivant en Galilée avaient été contraints par Siméon Tharsi, un des princes Maccabées, d’émigrer en Judée.
Donc, les Galiléens étaient racialement et politiquement distincts des Judéens.
Ce Galiléen était-il, religieusement parlant, ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui « un juif » ? Les autorités judaïstes, évidemment, le rejettent des plus vigoureusement ; cette déclaration, souvent entendue dans les tribunes et les chaires, pourrait causer une émeute à la synagogue.
Il est difficile de savoir ce que des hommes publics responsables peuvent bien signifier quand ils utilisent cette expression. Il n’y avait du temps de Jésus aucune religion « juive » (ou même judaïte, judaïste ou judéenne). Il y avait le jéhovisme, et il y avait les diverses sectes ¬les pharisiens, sadducéens et Ésseniens -qui se disputaient violemment entre eux et luttaient, autour du Temple, pour le pouvoir sur le peuple. Ils n’étaient pas seulement des sectes, mais aussi des partis politiques, et le plus puissant d’entre eux était les pharisiens avec leurs « traditions orales » de ce que Dieu avait dit à Moïse.
Si aujourd’hui les sionistes sont « les juifs » (et c’est la déclaration acceptée par toutes les grandes nations occidentales), alors le parti qui en Judée correspondait aux sionistes du temps de Jésus était celui des pharisiens. Jésus consacra toute ses forces à attaquer ces pharisiens. Il s’en prit aussi aux sadducéens et aux scribes, mais les Évangiles montrent qu’il considérait les pharisiens comme l’ennemi de Dieu et de l’homme, et qu’il s’exprimait envers eux avec un mépris particulièrement éreintant. Les choses qu’il choisit d’attaquer, chez eux et dans leur doctrine, sont les choses mêmes que les sionistes d’aujourd’hui prétendent être les traits caractéristiques des juifs, de la judaïté et du judaïsme.
Religieusement, Jésus semble à n’en pas douter avoir été l’opposé et l’adversaire de tout ce qui aujourd’hui ferait un juif littéral ou aurait fait alors un pharisien littéral.
Nul ne peut dire avec certitude qui ou ce qu’il était, et les déclarations suggestives des politiciens non-juifs sonnent aussi faux que les pamphlets railleurs qui circulaient dans les ghettos juifs à propos du « bâtard ».
***Ce qu’il a dit et fait est d’une telle importance transcendantale que rien d’autre ne compte. Sur une échelle beaucoup moins grande, le cas de Shakespeare est quelque peu comparable. La qualité de l’inspiration dans ses œuvres est claire, si bien qu’il importe peu qu’il les ait écrites ou de savoir qui les a écrites si ce n’est pas lui, et pourtant la vaine querelle continue.
Le fils du charpentier venu de Galilée n’avait manifestement pas d’instruction formelle : « Les juifs s’émerveillaient, disant, Comment cet homme peut-il connaître les lettres, lui qui n’a jamais appris ? »
Ce qui est encore plus significatif : il n’avait connu aucune école rabbinique, ni aucune éducation sacerdotale. Ses ennemis, les pharisiens, en témoignent ; aurait-il été de leur clan ou de leur famille, ils n’auraient pas demandé : « D’où cet homme tient-il cette sagesse, et ces miracles ? »
Ce qui donne à l’enseignement de ce jeune homme illettré son effet de révélation aveuglante, la qualité de la lumière qu’on rencontre pour la première fois, c’est le fond noir de la Loi lévitique et de la tradition pharisaïque, sur lequel il évolua quand il partit en Judée. Même encore aujourd’hui, la soudaine plénitude de l’illumination, dans le Sermon sur la Montagne, éblouit le chercheur qui émerge d’une lecture critique de l’Ancien Testament ; c’est comme si le plein midi arrivait à minuit.
La Loi, quand Jésus arriva pour l’ « accomplir », était devenue une énorme masse de législations, étouffante et fatale dans son immense complexité. La Torah n’était que le début ; empilés dessus, se trouvaient toutes les interprétations, tous les commentaires et les jugements rabbiniques ; les sages, tels de pieux vers à soie, tissaient le fil toujours plus loin dans l’effort d’y prendre toutes les actions humaines imaginables ; des générations de législateurs avaient peiné pour en arriver à la conclusion qu’un œuf ne doit pas être mangé le jour du Sabbat si la plus grande partie en avait été pondue avant qu’une seconde étoile ne soit visible dans le ciel.
Déjà, la Loi et tous les commentaires nécessitaient une bibliothèque à eux seuls, et un comité de juristes internationaux, à qui on aurait fait appel pour donner leur opinion, auraient mis des années à passer au crible les couches accumulées.
Le jeune homme sans instruction venu de Galilée tendit un doigt et balaya la pile entière, révélant en même temps la vérité et l’hérésie. Il réduisit « toute la Loi et les Prophètes » à ces deux commandements : Aime Dieu de tout ton cœur et ton prochain comme toi-même.
C’était l’exposition et la condamnation de l’hérésie fondamentale que les Lévites et les pharisiens, au cours des siècles, avaient entrelacée dans la Loi.
Le Lévitique contenait l’injonction, « Aime ton prochain comme toi-même », mais elle était régie par la limitation du « prochain » à ses semblables Judéens. Jésus rétablit alors la tradition ancienne et oubliée de l’amour du prochain sans distinction de race ou de croyance ; c’était clairement ce qu’il signifiait par les mots : « Je ne suis pas venu pour détruire la loi, mais pour accomplir ». Il en rendit la signification évidente quand il ajouta : « Vous avez entendu qu’il a été dit… tu haïras ton ennemi. Mais je vous dis, Aimez vos ennemis ». (On fait quelquefois l’objection rusée que le commandement spécifique, « tu haïras ton ennemi », n’apparaît nulle part dans l’Ancien Testament. Ce que Jésus voulait dire était clair ; les innombrables injonctions au meurtre et au massacre des voisins qui n’étaient pas des « prochains », dont l’Ancien Testament abonde, requéraient assurément la haine et l’hostilité).
C’était un défi direct à la Loi telle que les pharisiens la représentaient, et Jésus amena le défi plus loin en refusant délibérément de jouer le rôle du libérateur et du conquérant nationaliste du territoire pour lequel les prophéties avaient lancé l’idée du Messie. Il aurait probablement pu avoir beaucoup plus de disciples, et peut-être le soutien des pharisiens, s’il avait accepté ce rôle.
Son reproche, à nouveau, fut laconique et clair : « Mon royaume n’est pas de ce monde… Le royaume des Cieux est en vous… Ne vous amassez pas de trésors sur la terre… mais amassez vous des trésors dans les cieux, où ni les mites ni la rouille ne détruisent, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent ».
Tout ce qu’il disait, avec des mots aussi simples que ceux-là, était un défi calme mais franc aux hommes les plus puissants de son temps et de son lieu, et un coup porté aux fondations de la doctrine que la secte avait élaborée au cours des siècles.
Ce que la totalité de l’Ancien Testament enseignait dans des centaines des pages, le Sermon sur la Montagne le réfutait en quelques mots. Il opposait l’amour à la haine, la miséricorde à la vengeance, la charité à la malveillance, l’amitié entre voisins à la ségrégation, la justice à la discrimination, l’affirmation (ou la réaffirmation) au déni, et la vie à la mort. Il commençait (comme les chapitres du Deutéronome sur les « bénédictions-ou-malédictions ») par les bénédictions, mais la ressemblance s’arrêtait là.
Le Deutéronome offrait des bénédictions matérielles, sous forme de territoire, de butin et de massacre, en retour de l’observance stricte de milliers de « lois et jugements », certains d’entre eux prescrivant le meurtre. Le Sermon sur la Montagne n’offrait aucune récompense matérielle, mais enseignait simplement que la conduite morale, l’humilité, l’effort pour bien agir, la miséricorde, la pureté, la paix et la force d’âme seraient bénis pour eux-mêmes et recevraient une récompense spirituelle.
Le Deutéronome faisait suivre ses « bénédictions » par des « malédictions ». Le Sermon sur la Montagne ne prononçait aucune menace ; il n’exigeait pas que le transgresseur soit « lapidé à mort » ou « pendu à un arbre », ou soit absous de la non-observance au prix d’un lavage de mains dans le sang d’une génisse. Le pire qui pouvait arriver au pécheur était qu’il soit « le plus petit au royaume des cieux » ; et ce à quoi l’obéissant pouvait s’attendre le plus était d’être « appelé grand au royaume des cieux ».
Le jeune Galiléen n’enseigna jamais la servilité, seulement une humilité intérieure, et il fut invariablement et constamment méprisant dans une seule direction : son attaque envers les pharisiens.
Le nom, pharisiens, dénotait qu’ils « restaient à l’écart des personnes et des choses impures ». L’Encyclopaedia Juive dit : « Seulement quant aux relations avec la populace impure et sale, Jésus différa grandement des pharisiens ». L’écho pourrait répondre : « Seulement ! » C’était bien sûr le grand clivage, entre l’idée de la divinité tribale et l’idée du Dieu universel ; entre la doctrine de la haine et l’enseignement de l’amour. Le défi était clair et les pharisiens l’acceptèrent immédiatement. Ils commencèrent à garnir leurs pièges, de la manière exacte décrite par Jérémie longtemps auparavant : « Tous mes familiers guettaient ma faiblesse, se disant, D’aventure il se laissera entraîner, et nous aurons l’avantage sur lui, et nous vengerons de lui ».
Les pharisiens l’observaient et demandèrent : « Pourquoi votre Maître mange-t-il avec des publicains et des pécheurs ? » (une infraction pénale sous leur Loi). Il leur était autant supérieur en débat qu’en l’art d’échapper à leurs pièges appâtés, et répondit, promptement mais avec calme : « Ce n’est pas ceux qui sont en bonne santé qui ont besoin d’un médecin, mais les malades… Je ne suis pas venu appeler les justes à la repentance, mais les pécheurs ».
Ils le suivirent plus loin et virent ses disciples en train d’égrener des épis de maïs pour les manger pendant le Sabbat (une autre infraction sous la Loi) : « Vois, tes disciples font ce qu’il est illégal de faire le jour du Sabbat ».
Ils le poursuivaient avec de telles interrogations, toujours en rapport au rite, et jamais à la foi ou à la conduite ; « pourquoi tes disciples transgressent-ils la tradition des anciens, car ils ne se lavent pas les mains quand ils mangent du pain ? », « Hypocrites, Isaïe a bien prophétisé sur vous, quand il a dit : Ce peuple s’approche de moi par la parole et m’honore des lèvres ; mais son cœur est éloigné de moi. C’est en vain qu’ils me vénèrent, en enseignant des préceptes qui sont des commandements d’hommes.»
C’était le mensonge absolu : la Loi, accusait-il, n’était pas la loi de Dieu mais la loi des Lévites et des pharisiens : « des commandements d’hommes » !
À partir de cet instant, il ne put y avoir aucun compromis, car Jésus se détourna des pharisiens et « appela la multitude, et leur dit : Écoutez, et comprenez : Ce n’est pas ce qui entre dans sa bouche qui souille l’homme, mais ce qui sort de la bouche, cela souille l’homme ».
Par ces paroles, Jésus jetait le dédain public sur l’une des prérogatives des prêtres les plus jalousement gardées, impliquant la grande masse des lois alimentaires avec le rituel entier du massacre, de l’exsanguination, du rejet de « ce qui meurt de lui-même », et ainsi de suite. Tout ceci était sans nul doute un « commandement de l’homme », bien qu’attribué à Moïse, et la stricte observance de ce rituel alimentaire était considérée comme étant de la plus haute importance par les pharisiens ; Ézéchiel (le lecteur s’en souviendra) recevant l’ordre du Seigneur de manger des excréments « pour expier les iniquités du peuple », avait plaidé son observance inébranlable des lois alimentaires et avait vu son supplice quelque peu adouci pour cette raison. Même les disciples étaient, apparemment, tellement sous l’influence de cette tradition alimentaire qu’ils ne purent comprendre comment « ce qui sort de la bouche » pouvait souiller un homme, plutôt que ce qui y entrait, et demandèrent une explication, remarquant que les pharisiens « étaient offensés, après avoir entendu ce dicton ».
La simple vérité que Jésus leur donna alors fut une abominable hérésie pour les pharisiens : « Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre par la bouche va dans le ventre, et est rejeté dans les lieux secrets ? Mais ces choses qui sortent de la bouche proviennent du cœur ; et elles souillent l’homme. Car du cœur sortent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, la fornication, les vols, le faux témoignage, les blasphèmes : ce sont les choses qui souillent un homme ; mais manger les mains sales ne souille pas un homme ».
Cette dernière remarque était une autre infraction pénale sous la Loi, et les pharisiens commencèrent à se rassembler pour la mise à mort. Ils préparèrent les fameuses questions pièges : « Alors les pharisiens allèrent se consulter sur les moyens de surprendre Jésus par ses propres paroles. » Les deux questions-clés étaient : « À qui devons-nous payer le tribut ? » et « Qui donc est mon prochain ? » Une mauvaise réponse à la première le livrerait au châtiment du souverain étranger, Rome. Une mauvaise réponse à la seconde permettrait aux pharisiens de le dénoncer au souverain étranger comme contrevenant à leur propre Loi, et d’exiger son châtiment.
Ceci est la méthode décrite antérieurement par Jérémie et toujours en usage aujourd’hui, au XXe siècle. Tous ceux qui ont eu affaire à un débat public de nos jours connaissent la question piège, préparée soigneusement à l’avance, et la difficulté d’y répondre sur l’impulsion du moment. Des méthodes diverses pour éviter le piège sont connues des débatteurs professionnels (par exemple, dire : « pas de commentaires », ou répondre par une autre question). Donner une réponse complète au lieu d’avoir recours à de telles dérobades, et en faisant cela éviter le piège de l’incrimination et pourtant maintenir le principe en jeu, est une des choses les plus difficiles connues de l’homme. Cela exige les qualités les plus hautes de vivacité d’esprit, de présence d’esprit et de clarté de pensée. Les réponses données par Jésus à ces deux questions restent pour toujours des modèles, que l’homme mortel ne peut qu’espérer imiter.
« Dis-nous donc, Que penses-tu ? Est-il légal de payer tribut à César, ou non ? (on peut presque entendre le ton affable de cette honnête question). « Mais Jésus perçut leur méchanceté et dit : Pourquoi me tentez-vous, hypocrites ?… Rendez à César ce qui appartient à César ; et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Quand ils entendirent ces mots, ils furent étonnés, le quittèrent et reprirent leur chemin ».
À la seconde occasion, « un certain homme de loi se leva et le tenta, en disant : que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? » Dans sa réponse, Jésus écarta à nouveau l’énorme masse de la Loi lévitique et répéta les deux choses essentielles : « Tu aimeras l’Éternel ton Dieu de tout ton cœur… et ton prochain comme toi-même ». Alors vint le piège : « Et qui est mon prochain ? »
Quel homme mortel aurait-il donné la réponse que Jésus donna ? Nul doute qu’un homme mortel, sachant comme Jésus que sa vie était en jeu, aurait dit ce qu’il croyait, car les martyres ne sont en aucune façon rares. Mais Jésus fit beaucoup plus que cela : il désarma son interrogateur comme un épéiste accompli qui, sans effort, envoie la rapière de son adversaire tournoyer dans les airs. On était en train de l’attirer afin qu’il se déclare ouvertement -qu’il dise que « les païens » étaient aussi des « prochains » et donc qu’il se rende coupable de transgresser la Loi. À vrai dire, il répondit dans ce sens, mais d’une manière telle que l’interrogateur fut défait ; rarement un juriste ne fut aussi confondu.
L’enseignement lévitique-pharisaïque était que seuls les Judéens étaient des « prochains », et de tous les païens exclus, ils abhorraient particulièrement les Samaritains (pour les raisons indiquées plus tôt). Le simple contact d’un Samaritain était une souillure, et une « transgression » majeure (cela continue à être vrai à ce jour). Le but de la question posée était d’entraîner Jésus à faire une déclaration qui le qualifierait pour le Bannissement majeur ; en choisissant, entre tous les peuples, les Samaritains pour réponse, il fit preuve d’une audace ¬ou d’un génie -qui était plus qu’humain :
Il dit qu’un certain homme tomba aux mains de voleurs et fut laissé pour mort. Vint alors « un prêtre » et « ensuite un Lévite » qui ¬reproche habituel cinglant envers ceux qui cherchaient l’occasion pour le mettre à mort -« passèrent de l’autre côté ». En dernier, vint « un certain Samaritain » qui banda les blessures de l’homme, l’amena dans une auberge, et paya pour ses soins : « maintenant lequel de ces trois, pensez-vous, était-il le prochain de celui qui tomba aux mains des voleurs ? »
Le juriste, coincé, ne put se résoudre à prononcer le nom avilissant « Samaritain » ; il dit : « Celui qui lui montra de la pitié », et de ce fait se joignit (comme il le réalisa probablement trop tard) à la condamnation de ceux pour lesquels il parlait, tels que « le prêtre » et « le Lévite ». « Alors Jésus lui dit : Va, et agis de même ». Par ces quelques mots, et sans allusion directe, il fit détruire à son interrogateur, de sa propre bouche, l’entière hérésie raciale sur laquelle la Loi avait été fondée.
Critique judaïste modéré, M. Montefiore s’est plaint que Jésus ait fait une exception à cette règle d’ « aime tes ennemis » ; il n’eut jamais une bonne parole pour les pharisiens.
Les experts pourraient débattre sur ce point. Jésus savait qu’ils le tueraient, lui ou tout homme qui les démasquerait. Il est vrai qu’il mettait particulièrement en cause les pharisiens, ainsi que les scribes, et voyait clairement en eux la secte responsable de la perversion de la Loi, si bien que toute la littérature de la dénonciation ne contient rien de comparable à cela :
« Malheur à vous, scribes et pharisiens, hypocrites ! Car vous fermez aux hommes le royaume des cieux ; vous n’y entrez pas vous-mêmes, et vous n’y laissez pas entrer ceux qui veulent entrer… vous parcourez la mer et la terre pour faire un prosélyte, et quand il l’est devenu, vous en faites deux fois plus que vous un fils de l’enfer… vous payez la dîme de la menthe, de l’anis et du cumin, et vous laissez ce qui est plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la foi… vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, mais au-dedans ils sont pleins de rapines et d’excès… vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au-dehors, et qui, au-dedans, sont pleins d’ossements de morts et de toutes sortes d’impuretés… vous construisez les tombeaux des prophètes et ornez les sépulcres des justes, et vous dites : si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes. Vous témoignez ainsi contre vous-mêmes que vous êtes les fils de ceux qui ont tué les prophètes. Comblez donc la mesure de vos pères. Serpents, race de vipères… »
Certains critiques déclarent trouver ces quatre derniers mots étonnamment durs. Toutefois, si on les lit dans le contexte des trois phrases qui les précèdent, on peut y voir une allusion explicite à la fin prochaine d’un homme, un homme sur le point de mourir, qui lança cette allusion à ceux qui allaient le mettre à mort -et à un tel moment, aucun mot ne pourrait être assez dur. (Toutefois, même le reproche implacable : « Comblez donc la mesure de vos pères » eut une suite plus tard : « Père, pardonne-leur ; car ils ne savent pas ce qu’ils font ».)
La fin approchait. Les « archiprêtres, et les scribes, et les sages » (le Sanhédrin) se rencontrèrent sous l’autorité du Grand prêtre Caïphe pour prendre des mesures contre l’homme qui contestait leur autorité et leur Loi. Seul Judéen parmi les disciples galiléens, Judas Iscariote mena la « foule nombreuse avec des épées et des bâtons » envoyés par les « archiprêtres et les sages du peuple » au jardin de Gethsémani, et identifia l’homme qu’ils cherchaient par le baiser de la mort.
Ce Judas mérite un coup d’œil au passage. Il fut par deux fois canonisé au XXe siècle, une fois en Russie après la révolution bolcheviste, et ensuite en Allemagne après la défaite d’Hitler, et ces deux épisodes indiquèrent que la secte qui était plus puissante que Rome à Jérusalem au début de notre ère, était une fois de plus suprêmement puissante en Occident au XXe siècle.
D’après saint Matthieu, Judas se pendit plus tard, et s’il choisit ainsi la forme de mort « maudite de Dieu », on peut supposer que son acte ne lui apporta aucun bonheur. Pour les historiens sionistes de l’école du Dr Kastein, Judas est un personnage sympathique ; le Dr Kastein explique que c’était un homme bon qui fut déçu par Jésus, et donc, « rompit secrètement » avec lui (il n’y a que dans la littérature sioniste qu’on pourrait trouver des mots tels que « rompit secrètement »).
Les pharisiens, qui contrôlaient le Sanhédrin, jugèrent Jésus d’abord, devant ce que l’on appellerait aujourd’hui « une cour juive ». Peut-être « une cour populaire » serait-elle une description plus exacte dans l’idiome actuel, car il fut « mouchardé » par un informateur, saisi par une foule, hélé devant un tribunal sans autorité légitime, et condamné à mort après que des faux témoins eurent soutenu des accusations inventées de toutes pièces.
Toutefois, les « sages » qui à partir de là prirent les événements en main de la manière exacte dont les « conseillers » de notre époque contrôlent les événements, imaginèrent l’accusation qui méritait la peine de mort sous leur « Loi », ainsi que sous la loi du dirigeant romain. Sous « la Loi mosaïque », Jésus avait commis un blasphème en déclarant être le Messie ; sous la loi romaine, il avait commis une trahison en déclarant être le roi des juifs.
Le gouverneur romain, Pilate, tenta plusieurs moyens pour éviter d’accéder à la demande de ces « sages » impérieux, demande qui était que l’homme soit mis à mort.
Ce Pilate était le prototype de l’homme politique britannique et américain du XXe siècle. En dernier ressort, il craignait plus que tout le pouvoir de la secte. Sa femme le pressa de refuser de prendre part à cette affaire. Il tenta, à la manière des politiques, de repasser la responsabilité à un autre, Hérode Antipas, dont la tétrarchie incluait la Galilée ; Hérode la lui renvoya. Pilate essaya ensuite de faire en sorte que Jésus en soit quitte pour une flagellation, mais les pharisiens exigeaient la mort et menacèrent de dénoncer Pilate à Rome : « Tu n’es pas l’ami de César ».
Ce fut la menace à laquelle Pilate céda, exactement comme les gouverneurs britanniques, les uns après les autres, et les représentants des Nations unies, les uns après les autres, cédèrent au XXe siècle à la menace qu’ ils seraient diffamés à Londres ou à New York. Manifestement, Pilate, comme ces hommes dix-neuf siècles plus tard, savait que son gouvernement d’origine le désavouerait ou le destituerait s’il refusait de faire ce qu’on lui demandait.
La ressemblance entre Pilate et certains gouverneurs britanniques de la période de l’entre-deux guerres est forte (et au moins un de ces hommes le savait, car il raconte que quand il téléphona à un puissant rabbin sioniste de New York, il demanda en plaisantant que le Grand prêtre Caïphe soit informé que Ponce Pilate était en ligne).
Pilate fit encore une tentative pour que l’acte en question soit accompli par d’autres mains : « Prenez-le, vous, et jugez-le selon votre loi ». Cela fut déjoué avec l’aisance due à une longue expérience : « il ne nous est pas permis de mettre quiconque à mort ».
Après cela, il tenta même de sauver Jésus en donnant « au peuple » le choix entre gracier Jésus ou Barabbas, l’assassin et brigand. Sans doute Pilate avait-il peu d’espoir de ce côté-là, car « le peuple » et « la foule » sont synonymes, et justice et miséricorde ne sont encore jamais venues d’une foule, comme Pilate devait le savoir ; le rôle de la foule est toujours de faire la volonté des sectes puissantes. Ainsi, « les archiprêtres et les sages persuadèrent la foule qu’ils devaient demander la grâce de Barabbas et la destruction de Jésus ».
Dans cette persuasion de la multitude, la secte est toujours aussi puissante de nos jours.
Plus le temps passe, plus les couleurs de cette scène finale unique flamboient. La robe écarlate, le faux sceptre, la couronne d’épines et le simulacre moqueur des hommages ; seuls des esprits pharisaïques auraient pu imaginer cette parodie de rituel qui de nos jours renforce tant l’impact de la victoire de la victime. Le chemin du Calvaire, la crucifixion entre les deux voleurs : Rome, ce jour-là, fit la volonté des pharisiens, comme la Perse, cinq cents ans plus tôt, avait fait celle des Lévites.
Ces pharisiens avaient appris au peuple de Judée à attendre un Messie, et ensuite avaient crucifié le premier prétendant. Cela signifiait que le Messie était encore à venir. Selon les pharisiens, le roi davidique devait encore apparaître et prétendre à son empire mondial, et c’est toujours le cas aujourd’hui.
Le Dr Kastein, dans son étude du judaïsme depuis son début, consacre un chapitre à la vie de Jésus. Après avoir expliqué que Jésus était un raté, il écarte l’épisode par ces mots caractéristiques : « Sa vie et sa mort sont notre affaire ». 


Préface    01, 02, 03, 04, 05, 06, 07, 08, 09, 10, 11, 12

La Controverse de Sion - par DOUGLAS REED (chap. 09)

Chapitre 9

LA MONTEE DES PHARISIENS

Ces pharisiens, qui formaient le parti politique le plus nombreux de la petite province romaine de Judée, comprenaient la secte interne dominante, auparavant représentée par les prêtres lévites. Ils se firent les messagers de l’idée lévitique dans sa forme la plus fanatique, telle qu’elle avait trouvé son expression chez Ézéchiel, Esdras et Néhémie ; ils prêtèrent serment à « l’observance stricte de la pureté lévitique », nous dit l’Encyclopaedia Juive.
Tout comme les Lévites avaient triomphé des protestataires israélites et avaient réussi à couper Juda de ses voisins, leurs successeurs, les pharisiens, se tenaient prêts comme eux à écraser toute tentative de réintégrer les Judéens dans l’humanité. Ils étaient les gardiens de l’idée destructrice, et le prochain chapitre dans l’histoire de Sion devait être celui de leur victoire ; comme dans le cas des Lévites, l’arrière-plan devait être celui de Jérusalem détruite.
Parmi les prêtres eux-mêmes, le passage des générations avait produit une sorte de révolte envers le procédé de modification continuelle de la Loi, commencé par les scribes de l’école d’Ézéchiel et d’Esdras. Ces prêtres maintenaient que la Loi était dorénavant immuable et ne devait pas être « réinterprétée » plus avant.
À ce défi (qui porte atteinte au fondement même du nationalisme judaïste), les pharisiens, en ennemis mortels, opposèrent leur réponse : ils étaient les gardiens des « traditions » et de cette Loi orale directement transmise par Dieu à Moïse, qui ne devait jamais être mise par écrit mais qui régissait tout le reste de la Loi. Cette déclaration de posséder les secrets de Dieu (ou, en vérité, d’être Dieu) est au cœur de la crainte mystique avec laquelle tant de générations de juifs considèrent « les sages » ; elle possède un pouvoir de terrifier auquel même les êtres éclairés se trouvant à la périphérie de la communauté juive ne peuvent échapper.
Néanmoins, l’élan instinctif de se libérer de cette servitude a de tous temps produit un parti modéré dans le judaïsme, et à cette époque-là, c’était celui des sadducéens, qui représentaient la majeure partie des prêtres et militaient pour « maintenir la paix de la ville » et éviter les conflits violents avec les chefs suprêmes romains. Les pharisiens et les sadducéens étaient des ennemis jurés. Cette dissension interne parmi les juifs dure depuis deux-mille cinq cents ans, et continue à notre époque.
Elle est surtout d’un intérêt théorique pour le reste de l’humanité (même si on doit en tenir compte), parce que l’Histoire montre que lorsqu’un conflit pour ou contre « la recherche de la paix de la ville » a atteint son paroxysme, le parti de la ségrégation et de la destruction l’a toujours emporté, et les rangs judaïstes ont fermé la marche. Le présent siècle a donné le dernier exemple de cela. Au début de celui-ci, les communautés juives d’Allemagne, d’Angleterre et d’Amérique (qui peuvent être comparées aux sadducéens) étaient implacablement hostiles aux sionistes de Russie (les pharisiens), mais en cinquante ans le parti extrémiste s’était rendu le porte-parole exclusif des « juifs » auprès des gouvernements occidentaux, et avait réussi à réduire presque toute opposition parmi les communautés juives du monde.
Les pharisiens occupent la seconde place dans la lignée de la secte qui a provoqué d’aussi importants événements à notre époque. La descendance commence par les Lévites de Babylone, puis passe par les pharisiens de Jérusalem, les talmudistes d’Espagne et les rabbins de Russie, jusqu’aux sionistes d’aujourd’hui.
Le nom « pharisien », selon les autorités judaïstes, signifie « celui qui se détache » ou qui reste à l’écart des personnes ou des choses impures, afin d’atteindre le niveau de la sainteté et de la droiture requises de ceux qui veulent communier avec Dieu. Les pharisiens formaient une ligue ou une fraternité propres, admettant au sein de leurs assemblées les plus secrètes seuls ceux qui, en présence de trois membres, faisaient vœu de stricte observance de la pureté lévitique. Ils furent les spécialistes les plus anciens de la conspiration secrète en tant que science politique.
L’expérience et le savoir acquis par les pharisiens peuvent être retracés clairement dans les méthodes utilisées par les partis conspirationnistes ayant émergé en Europe au cours des deux siècles derniers, en particulier dans les méthodes de la révolution destructrice d’Europe, qui fut organisée par les juifs et menée par les juifs.
Par exemple, à l’origine, les pharisiens imaginèrent la méthode de base, reposant sur la peur et la suspicion mutuelles ; méthode par laquelle de nos jours les conspirateurs restent unis et les groupes de conspirateurs sont renforcés. C’est le système d’espionnage-des¬espions et d’informateurs-parmi-les-informateurs sur lequel le Parti communiste est fondé (ainsi que son Armée rouge, dont les règlements officiels montrent que le « commissaire politique du peuple » et « l’informateur » sont partie reconnue de la structure militaire, depuis le niveau de haut commandement jusqu’à celui des adjudants).
Les pharisiens employèrent d’abord ce moyen, en le fondant sur un passage du Lévitique : « Tu mettras un garde autour de mon garde » (cité par l’Encyclopaedia Juive d’après l’original en hébreu, en usage parmi les juifs). On ne peut guère comprendre la nature de la machine révolutionnaire qui fut mise en place en Europe au XIXe siècle si l’on ne prend pas en compte le savoir et l’instruction talmudiques, dont la plupart des organisateurs et chefs ont hérité ; et les pharisiens furent les premiers talmudistes. Ils se réclamaient de l’autorité divine pour toute décision de leurs scribes, même en cas d’erreur, et ceci est un concept souverain du Talmud.
L’idée messianique, qui devait avoir d’importantes conséquences au cours des siècles, émergea d’abord sous la domination des pharisiens. Cette idée était inconnue des anciens prophètes israélites ; ils n’avait jamais admis la notion d’une race supérieure exclusive, et donc n’avaient pu être au courant du concept consécutif qui en découlerait, celui d’un visiteur qui viendrait en personne installer sur terre le royaume suprême de cette race supérieure exclusive.
La nature de cet événement messianique est claire, pour les autorités judaïstes. L’Encyclopaedia Juive dit que la conception qu’en avaient les pharisiens était que « la royauté de Dieu sera[it] universellement reconnue dans le futur… La royauté de Dieu excluait toutes les autres ». Comme Jéhovah, d’après la Torah ancienne, ne « connaissait » que les juifs, cela signifiait que le monde appartiendrait aux juifs. Si un quelconque doute subsistait, le Talmud, plus récent, en apportait la confirmation en déclarant que « les non-juifs sont, en tant que tels, exclus de l’admission à un monde futur » (l’ancien rabbin Laible).
La masse des Judéens s’attendait indubitablement à ce que « l’Oint », quand il viendrait, réinstaure leur gloire nationale ; dans le parfait État théocratique, il serait leur chef spirituel mais aussi leur chef temporel, qui réunirait le peuple dispersé dans un royaume suprême de ce monde. L’idée messianique, tandis qu’elle prenait forme sous les pharisiens, n’était pas une attente d’un quelconque royaume céleste sans rapport avec le triomphe matériel sur terre, ou en tout cas ce n’était pas cela pour les masses.
L’attente messianique, à vrai dire, devait en un sens être le résultat logique et naturel du propre enseignement de la secte. Les pharisiens, comme les Lévites dont ils perpétuaient le message, prétendaient tout savoir, depuis la date de la création du monde, et son but, à la manière dont devait triompher le peuple spécial.
Il n’y avait qu’une chose qu’ils ne déclaraient jamais : le moment de ce glorieux couronnement. Le fardeau de l’observance qu’ils déposaient sur le dos du peuple était dur, néanmoins, et il n’était que naturel que, tels des détenus purgeant leur peine, le peuple réclame de savoir quand il serait libre.
Cela semble être l’origine du messianisme. La foule qui avait autrefois « pleuré » en entendant les paroles de la Nouvelle Loi supportait maintenant sa rigueur depuis quatre cents ans. Spontanément, la question jaillissait d’eux : Quand ? Quand le glorieux couronnement, la fin miraculeuse, viendraient-ils ? Ils « accomplissaient tous les lois et jugements », et cet accomplissement signifiait une lourde tâche et un fardeau quotidiens. Ils faisaient tout cela sous « une alliance » qui promettait une récompense spécifique. Quand cette récompense serait-elle leur ? Leurs dirigeants étaient en communion directe avec Dieu et connaissaient les mystères de Dieu ; ils devaient être capables de répondre à cette question, Quand ?
C’était la seule question à laquelle les pharisiens ne savaient pas répondre. Ils semblent qu’ils donnèrent la réponse la plus ingénieuse qu’ils purent concevoir : même s’ils ne diraient pas quand, ils diraient qu’un jour « le Messie, le Prince » apparaîtrait (Daniel), et alors il lui serait donné « domination et gloire, et un royaume, et tous les peuples, nations et langues devraient le servir ».
Ainsi, l’esprit comprimé et ghettoïsé judéen fut-il anesthésié par la promesse d’un visiteur ; le messianisme apparut et produisit les vagues récurrentes d’anticipation frénétique, dont la dernière en date est celle dont notre XXe siècle fait actuellement l’expérience.
Tel était le décor de la scène quand, il y a presque deux mille ans, l’homme de Galilée apparut. À cette époque, les Judéens qui étaient restés en Judée avaient passé les derniers six cents ans depuis leur expulsion par Israël, dans ce que de nos jours le Dr John Goldstein appelle « l’obscurité juive », et à la fin de cette période ils en étaient venus à attendre et à espérer le Messie libérateur.
Le visiteur qui apparut alors déclara leur montrer la voie du « royaume des cieux ». Il était exactement le chemin opposé à celui qui menait par-dessus les nations en ruines à un temple rempli d’or, vers lequel les pharisiens leur faisaient signe en criant « Rendez observance ! »
Les pharisiens étaient puissants, et le « gouverneur » étranger reculait devant leurs menaces (le tableau ressemblait beaucoup à celui d’aujourd’hui) ; et parmi le peuple, ceux qui voyaient en ce nouveau venu le Messie qu’ils espéraient, malgré son mépris des récompenses de ce monde, se mettaient en danger de mort en l’affirmant. Ils « transgressaient », et le dirigeant romain, comme le roi perse cinq cents ans plus tôt, était prêt à faire respecter « la Loi ».
De toute évidence, beaucoup parmi ces gens n’étaient que trop prêts à écouter -si on le leur permettait -quiconque pourrait leur montrer la voie hors de leur obscurité, pour entrer dans la lumière et la communauté de l’humanité. Cependant, la victoire était avec les pharisiens (comme avec les Lévites de jadis), si bien qu’encore une fois, beaucoup parmi ces gens eurent des raisons de pleurer, et la force catalytique fut préservée intacte. 


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