samedi 13 novembre 2010

La Controverse de Sion - par DOUGLAS REED (chap. 12)

Chapitre 12

LA LUMIERE ET L’OMBRE

Deux groupes de voyageurs passèrent les portes de Jérusalem, avant qu’elle ne tombe, en 70 ap. J.-C. Les disciples portaient un nouveau message à l’humanité, car le christianisme était né. Les pharisiens, prévoyant le sort qu’ils avaient amené sur Jérusalem, se retirèrent dans un nouveau siège depuis lequel (comme à Babylone jadis) la secte dirigeante pourrait exercer son autorité sur « les juifs », où qu’ils vivent dans le monde.
Ces deux petits groupes de voyageurs étaient l’avant-garde des partis de la lumière et des ténèbres qui, comme un homme et son ombre, ont traversé les siècles, toujours plus en direction de l’ouest.
La crise actuelle de « l’Occident » remonte directement à ce départ de la Jérusalem maudite dix-neuf siècles plus tôt, car les deux groupes amenèrent en Occident des idées qui ne pourraient jamais se réconcilier. L’une devait l’emporter sur l’autre, tôt ou tard, et notre génération est actuellement le témoin de l’ultime tentative pour la victoire de l’idée destructrice.
Au cours des siècles précédents, l’histoire de l’Occident fut toujours, de manière générale, celle de la lutte entre les deux idées. Quand « la Loi » selon les Lévites et les pharisiens était dominante, l’Occident rendit les hommes esclaves, amena les hérétiques devant l’Inquisition, mit les apostats à mort, et se soumit aux visions primitives de la race supérieure ; ainsi, le XXe siècle fut-il la période de la pire récidive en Occident. Quand l’Occident libéra les hommes et les nations, établit la justice entre eux, mit en place le droit à un procès équitable et juste, désavoua la race supérieure et reconnut la paternité universelle de Dieu, elle suivait l’enseignement de celui qui était venu « accomplir la Loi ».
Les Romains, quand ils prirent Jérusalem, frappèrent des médailles avec l’inscription : « Judaea devicta, Judaea capta »3. C’était un péan prématuré ; Jérusalem était peut-être en ruine et la Judée désertée des juifs, mais la secte dirigeante était libre et victorieuse. Ses opposants autour du Temple avaient été balayés par le conquérant, et elle était déjà installée dans son nouveau « centre », où elle s’était retirée avant la chute de la ville.
Les pharisiens étaient aussi suprêmes dans cette nouvelle citadelle que les Lévites autrefois à Babylone, mais ils aperçurent un nouvel ennemi venu du monde extérieur. La secte qui croyait que le
3 Judée vaincue, Judée prise -NdT
Messie était apparu, et qui se donnait le nom de chrétienne, ne tint pas compte de cette hostilité ; au contraire, son principe souverain était « aime tes ennemis ». Mais comme le principe premier de la loi pharisaïque était « hais tes ennemis », c’était en soi un affront délibéré et un défi aux sages dans leur retraite.
Ils virent dès le début que la nouvelle religion devrait être détruite s’ils voulaient que leur « Loi » l’emporte, et ils ne furent pas dissuadés par les mises en garde qui -à ce moment-là comme à chaque fois lors des occasions passées et futures -se faisaient entendre dans leurs propres rangs ; par exemple, les paroles de Gamaliel quand le Grand prêtre et le Conseil étaient sur le point de faire flageller Pierre et Jean pour avoir prêché dans le temple : « Réfléchissez bien à ce que vous êtes sur le point de faire. Si c’est l’œuvre des hommes, elle sera bientôt réduite à néant ; mais si c’est l’œuvre de Dieu, vous ne pourrez pas la détruire ». La majorité des pharisiens se sentaient assez forts, avec leur propre Loi artificielle, pour « la détruire », et si nécessaire, pour œuvrer durant des siècles à cette tâche.
Ainsi, les pharisiens, quand ils abandonnèrent à leur sort les Judéens survivants et installèrent leur nouveau siège à Yavné (toujours en Palestine), emmenèrent leurs sombres secrets du pouvoir sur les hommes dans un monde différent de tout autre monde avant lui.
Auparavant, leur doctrine tribale n’avait été qu’une doctrine parmi de nombreuses doctrines tribales. La vengeance par le sang avait été la règle parmi tous les hommes et tous les clans. Les « païens » alentour avaient peut-être été alarmés par la violence et le caractère vindicatif particuliers de la doctrine judaïque, mais ils n’avaient guère offert grand chose de plus éclairé. À partir de cet instant, cependant, la secte dirigeante fut confrontée à une doctrine qui s’opposait directement à chaque principe de leur propre « Loi », comme le blanc s’oppose au noir. De plus, cette nouvelle idée dans le siècle, par les caractéristiques et le lieu de sa naissance, était un reproche éternel envers eux.
Les pharisiens dans leur place-forte se préparèrent à vaincre cette nouvelle force qui était venue au monde. Leur tâche était plus grande que celle des Lévites à Babylone. Le Temple était détruit, et Jérusalem était dépeuplée. La tribu de Juda avait été dispersée depuis longtemps ; la race des Judéens était alors en train de disparaître. Il restait une « nation juive », composée de personnes au sang maintes fois mélangé, qui étaient dispersées dans tout le monde connu, et qui devaient être maintenues dans l’unité par le pouvoir de l’idée tribale et du « retour » sur une terre, « promise » à un « peuple spécial » ; cette nation dispersée devait également rester convaincue de sa mission destructrice parmi les nations où elle vivait.
« La Loi » sous la forme qui commençait déjà à être connue du monde extérieur, ne pouvait plus être modifiée, ni se voir ajouter de nouveaux chapitres historiques. De plus, Jésus avait spécifiquement adressé ses reproches à la falsification par les scribes de ces « commandements d’hommes ». Il avait été tué, mais pas contesté, et on ne lui avait pas non plus donné le coup de grâce (comme le développement de la secte chrétienne le montra). Aussi, son accusation de la Loi subsistait-elle, et elle était si probante que pas même les pharisiens ne pouvaient espérer convaincre qui que ce soit en traitant simplement Jésus de transgresseur de la Loi.
Néanmoins, la Loi avait besoin d’être réinterprêtée continuellement et appliquée aux événements des temps changeants, de sorte qu’il soit toujours montré au « peuple spécial » que chaque événement, peu importe s’il était paradoxal à première vue, était en fait un des accomplissements de Jéhovah. Les pharisiens à Yavné invoquèrent une fois de plus leur prétention de posséder les secrets de Dieu et commencèrent, sur cette prétention, à réinterpréter les « lois et commandements » afin qu’ils puissent se montrer applicables au christianisme. Ce fut l’origine du Talmud, qui dans les faits est l’extension anti-chrétienne de la Torah.
Le Talmud devint, au cours des siècles, « la clôture autour de la Loi » ; la palissade tribale extérieure autour de la palissade tribale intérieure. La signification se trouve dans la période où il fut commencé : quand la Judée n’était plus, quand « le peuple » était dispersé parmi toutes les nations, et au moment où une nouvelle religion était en train de prendre forme, enseignant que Dieu était le père de tous les hommes, et pas seulement le patron d’une tribu désignée.
Si l’on observe cette période depuis notre siècle, la tâche que les pharisiens entreprirent nous semble impossible, car le désir de faire partie de l’humanité devait sûrement avoir un attrait puissant pour un peuple dispersé.
Les pharisiens, comme les événements l’ont prouvé, réussirent leur immense entreprise. Le Talmud fut efficace pour interposer une barrière entre les juifs et les forces d’intégration libérées par le christianisme.
Deux exemples actuels illustrent les effets du Talmud, de nombreux siècles après sa compilation. Les frères Thoreau, dans leurs ouvrages, donnent à l’étudiant appliqué quelques rares aperçus de ce qui se trouve derrière les murs talmudiques ; dans l’un de ces ouvrages, ils décrivent ce petit garçon juif de Pologne à qui l’ont avait appris à cracher tout à fait mécaniquement quand il passait le long du Calvaire, et à dire : « Maudit sois-tu qui a créé une autre religion ». En 1953, à New York, un jeune missionnaire de l’Église morave de Jérusalem décrivit la saisie par les sionistes, à Jérusalem, du dispensaire morave pour les lépreux, appelé « La Mission de Jésus » ; leur premier acte fut de couvrir de mastic le nom de « Jésus », qui pendant plus de cent ans avait été inscrit au-dessus de la porte.
De tels incidents (et l’interdit de mentionner le nom de Jésus) proviennent directement de l’enseignement du Talmud, qui de fait était une autre « Nouvelle Loi », d’application spécifiquement anti¬chrétienne. Pour cette raison, la période suivante dans l’histoire de Sion ne peut qu’être décrite comme celle des talmudistes, les périodes précédentes ayant été celles des pharisiens et des Lévites.
Tandis que les talmudistes pharisaïques, dans leur nouvelle académie à Yavné, étaient en train de travailler sur la nouvelle Loi, les nouvelles de la vie et des leçons de Jésus se répandaient à travers les territoires de Rome.
Un pharisien aida grandement à les répandre ; Saül de Tarse se mit en route depuis Jérusalem (avant sa chute) pour exterminer les hérétiques à Damas, et avant qu’il n’arrive là-bas, devint un disciple de Jésus. Il prêchait autant au juif qu’au gentil, jusqu’à ce qu’on l’en empêche, et il dit aux juifs : « Il était nécessaire que la parole de Dieu vous soit d’abord annoncée à vous ; mais en voyant que vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, nous nous tournons vers les gentils ».
Le Dr Kastein dit de Saül, ou Paul, qu’ « il fit de tous ceux qu’il persuada de croire en sa prophétie des renégats au sens le plus large, qu’ils soient juifs ou gentils ».
Cependant, ce que Paul (et d’autres) dirent était en fait inévitable à ce moment-là, car partout les hommes avançaient à tâtons vers le Dieu universel, et se tournaient vers l’enseignement de Jésus comme les plantes qui croissent se tournent vers la lumière. Peut-être cet élan chez l’homme était-il aussi la raison pour laquelle Jésus devait apparaître parmi les Judéens ; la doctrine judaïque était le tribalisme dans sa forme la plus fanatique, même à cette époque-là, et, comme toute action produit sa réaction, la contre-idée était destinée à apparaître là où la pression était la plus forte.
Ce fut un moment fatidique pour ce grand territoire, alors peu connu ou peuplé, qu’on appelle aujourd’hui l’Occident. Si les disciples n’avaient pas tourné leurs regards vers l’ouest, le terme « l’Occident », et ce qu’il dénote, aurait pu ne jamais naître.
Ce que l’on appelle la « civilisation occidentale » ne peut se concevoir sans le christianisme. Durant les mille neuf cents ans qui suivirent la mort de Jésus, l’Occident s’améliora tellement qu’il laissa le reste du monde derrière lui. Sur les questions matérielles, son avancée fut si grande qu’à l’époque où ce livre fut écrit, il était à deux doigts de conquérir l’espace ; il était sur le point d’ouvrir l’univers à l’exploration humaine. Mais ce fut là la moindre de ses réussites.
Sa plus grande amélioration fut dans le domaine de l’esprit et du comportement de l’homme envers son semblable. L’Occident mit en place le droit des hommes à une inculpation officielle et à un procès ou une libération publics (un droit qui fut à nouveau menacé au XXe siècle), et ceci fut la plus grande avancée de toute l’Histoire humaine ; de la survie ou de la destruction de cet accomplissement dépend son avenir.
L’ombre qui suivit les disciples au-delà des portes de Jérusalem, avant l’entrée des Romains, suivit aussi le christianisme jusqu’en Occident, et la secte talmudique suivit de près le christianisme durant tous ces siècles. Au XXe siècle, l’Occident devint la scène de la bataille entre les nations qui s’étaient levées avec le christianisme, et la secte dédiée à l’idée destructrice.
L’Occident n’est pas le seul impliqué dans cette affaire. Environ cinq cents ans après la vie de Jésus, l’élan instinctif des hommes à rechercher un Dieu unique produisit un autre défi au racisme talmudique, et cette fois il vint des populations sémitiques. Les Arabes, eux aussi, parvinrent au concept d’un Dieu unique de tous les hommes.
Mahomet (écarté par le Dr Kastein comme « un Bédouin à moitié inculte »), comme Saül sur le chemin de Damas, eut une vision de Dieu. Son enseignement, de bien des manières, ressemble à celui de Jésus. Il considérait Jésus comme ayant été, de même qu’Abraham ou Moïse, un prophète de Dieu (et non le Messie). Il se voyait lui-même comme le successeur de Moïse et de Jésus, et comme le prophète de Dieu, qu’il appelait Allah. Il n’y avait qu’un Dieu, Allah, le créateur de l’humanité, et Allah n’était pas le dieu tribal des Arabes, mais le Dieu de tous les hommes.
Cette religion, comme le christianisme, n’enseignait nullement la haine des autres religions. Mahomet ne faisait que rendre hommage à Jésus et à sa mère (qui sont tous deux objets de dérision blasphématoire dans la littérature talmudique).
Cependant, Mahomet considérait les juifs comme une force destructrice et œuvrant pour ses propres buts. Le Coran dit d’eux : « Toutes les fois qu’ils allument un feu pour la guerre, Dieu l’éteint. Et leur but est de semer le désordre sur terre ; mais Dieu n’aime pas les semeurs de désordre ». Tout au long des siècles, les hommes les plus sages parlèrent ainsi de la doctrine tribale et de la secte, jusqu’au XXe siècle de notre ère, où le débat public sur cette question fut quasiment supprimé.
Ainsi naquit l’islam, et il se répandit dans les régions méridionales du monde connu, tandis que le christianisme se répandit en Occident, et le bouddhisme, auparavant, en Orient. De grands courants commencèrent à se déplacer, comme vers un confluent qu’ils atteindraient un jour lointain, car ces religions universelles ne sont sur aucun principe majeur comme l’huile et l’eau, et elles s’accordent sur la condamnation de la doctrine de la race-maître et de l’idée destructrice.
Le christianisme et l’islam se déployèrent et embrassèrent de grandes portions de l’humanité ; l’élan qui évoluait en l’homme devint clair. Loin derrière ces religions universelles, se tenait le judaïsme, dans son enceinte tribale, jalousement gardé par la secte interne.
Au XXe siècle, cette secte puissante fut capable d’amener les populations de la chrétienté et de l’islam au bord d’une bataille mutuelle destructrice. Si la génération actuelle est témoin de cette rupture, le spectacle sera celui d’une grande religion universelle luttant contre une autre dans le but d’établir la doctrine de la « race supérieure ».
Dix-neuf siècles auparavant, les deux groupes d’hommes quittèrent autrefois Jérusalem, s’acheminant vers cet étrange dénouement. 



Préface    01, 02, 03, 04, 05, 06, 07, 08, 09, 10, 11, 12

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